Louis Vuitton, le monogramme ré-enchanté
Après des années passées à incarner la notion de "luxe accessible", la classique toile monogrammée Louis Vuitton - beige sur fond chocolat - n'est plus en 2013 que l'ombre d'elle-même. Il faudra ainsi attendre l'arrivée de Nicolas Ghesquière à la tête de la maison parisienne pour que celle-ci se fasse à nouveau désirable...
À force de miser sur un positionnement plus "mainstream" que subtil, les produits monogrammés Louis Vuitton finirent peu à peu par perdre de leur caractère d'exception. C'est ainsi qu'à la fin des années 2000, les clients les plus fortunés s'en détournèrent au profit de maisons plus élitistes (telles que Chanel ou Hermès), tandis que les filles lancées se mirent à préférer au Speedy monogrammé des modèles plus pointus piochés chez Céline. Une banalisation de l'image de la griffe qui se traduit en 2013 par un inquiétant ralentissement des ventes...Coïncidence ou pas, Nicolas Ghesquière prend la même année la tête du prêt-à-porter Louis Vuitton. Soutenu par Delphine Arnault et Michael Burke (PDG de la griffe), celui-ci a alors carte blanche pour repenser l'image de la marque. Il s'entoure pour cela de son trio de muses/amies/stylistes (Camille Miceli, Natacha Ramsay et Marie-Amélie Sauvé), convoque au sein des campagnes Vuitton des femmes plus inspirantes que 100% lisses (Charlotte Gainsbourg, Freja Beha, Jennifer Connelly) et fait le ménage niveau communication (fini les blogueuses mainstream : les relations presse se voient remettre une nouvelle liste de personnes avec qui dialoguer). Ajoutez à cela le lancement en 2014 d'une Fondation Louis Vuitton mêlant avec démesure art, luxe et culture, des collections prêt-à-porter aussi portables qu'innovantes et le choix de "se focaliser désormais sur des produits plus exclusifs et un nombre plus restreint d'articles" et vous obtiendrez de quoi réenclencher la dynamique du désir.
Pas étonnant dans ce contexte que la nouvelle direction artistique de la griffe se soit sentie en mesure de rendre son lustre d'antan à la toile monogrammée. Cette dernière ne semble en effet pas avoir effrayé Nicolas Ghesquière, qui décide pour son premier défilé de l'apposer sur des mini-malles portatives (il pensera néanmoins à munir ces dernières d'une housse, au cas où la crème des fashionistas ne serait pas encore prête à arborer aussi ostensiblement le "si peu hype" monogramme).
Mixée à des volumes contemporains et travaillée la plupart du temps dans sa version classique, la toile monogrammée réinvestit alors progressivement les collections - printemps/été 2015, pre-fall 2015, automne/hiver 2015-2016 - et se laisse entrevoir sous un jour nouveau. Associée aux silhouettes infiniment modernes de Nicolas Ghesquière, elle offre ainsi un intéressant contraste entre tradition et modernisme. Visiblement séduite par la nouvelle dynamique de la griffe, l'intelligentsia fashion ne tarde alors pas à plébisciter massivement ladite toile : des revues street-style (voir ici, ici, ici et là) aux comptes Instagram prescripteurs (voir ici, ici et là) en passant par les séries mode des magazines, les sacs monogrammés sont partout.
La "galaxie Ghesquière" a par ailleurs réussi à redonner envie aux filles qui "font" la mode de se remettre à consommer du Vuitton "à l'état pur", sous la forme de sacs coupés dans la fameuse toile monogrammée qui fit les beaux jours de la maison parisienne. Des pièces que l'on ne croyait plus pouvoir ressortir sans se faire taxer de mauvais goût bourgeois...
Reste à savoir si ce nouvel engouement permettra au monogramme de se faire enfin sa place au sein du panthéon des classiques intemporellement désirables (à l'instar du matelassage Chanel, des surpiqûres Hermès ou de la semelle rouge Louboutin) où s'il finira une nouvelle fois par provoquer l'overdose...
Par Lise Huret, le 20 avril 2015
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Merci pour cet article à nouveau très détaillé et bien fait.
Si les nouvelles campagnes bénéficient effectivement de personnalités plus inspirantes, pour moi le monogramme reste associé aux contrefaçons cheap et vulgaires et au marché asiatique. Il n'y a qu'à voir les files d'attente des boutiques Vuitton, on est loin des it girls branchées...
Je suis bien plus sensible au " cuir épis " de la marque qu'à sa toile monogramme synonyme de vulgarité ;)