Vendredi
19h : La sonnette retentit : pour la première fois depuis notre arrivée à Florence, nous recevons des amis à dîner. Après avoir gravi les interminables escaliers en pierre menant au dernier étage de l'immeuble, Alice, son compagnon et leur adorable fils de 6 mois pénètrent dans l'appartement. À la fois diablement élégants - lui en costume 3 pièces et elle chaussée d'escarpins bleu marine iridescents à la cambrure parfaite - et ultra naturels, il émane d'eux une bonne humeur lumineuse.
20h : Entre prosecco, charcuterie italienne, rires et échange de doudous entre nos enfants, nous passons un apéritif comme je les aime, à savoir informel, détendu, joyeux et volubile.
21h : Nous passons à table. Les bougies disposées au centre ont fondu de moitié, mais le résultat - inattendu - de cette fonte précipitée est loin d'être inesthétique. La conversation reprend son cours. Je découvre ainsi que les Italiens se marient rarement avant 35-40 ans (car ils entrent très tard dans la vie active), qu'ici la région prime sur le pays, qu'à Naples il est fortement déconseillé de pénétrer dans certains quartiers avec une montre de valeur au poignet, mais aussi que l'influence de la mafia ne cesse de s'étendre… Passionnant !
Samedi
14h : En allant à la bibliothèque, je passe devant la boutique d'un petit antiquaire où règne un incroyable désordre. Coincé entre un pied de lampe alambiqué et un hibou empaillé, un coffret en bois peint attire mon attention. Je m'approche, le saisis et fonds devant son petit loquet en cuivre désuet. Cela fait plusieurs semaines que je cherche une boîte susceptible d'accueillir mes souvenirs florentins - entre mini aquarelles offertes par Alice, étiquettes, coupures de journaux, petit mot en italien laissé devant notre porte pour nous inviter à prendre un verre, feuilles mortes et babioles diverses… - et je pense l'avoir enfin trouvé !
Lundi
8h10 : Des étoiles dans les yeux, la nounou de Charles me raconte son week-end à Milan, et plus particulièrement sa visite de l'exposition dédiée au travail de Vivian Maier, une nourrice américaine férue de photographie. Intriguée par son enthousiasme, je file alors faire une recherche Google et découvre des clichés en noir et blanc d'une intensité folle (voir ici et là), des photos "street style" d'une rare beauté (voir ici, ici et là) ainsi que des autoportraits saisissants.
17h : Aux abords du marché couvert San Lorenzo, j'aperçois sur l'étal d'un fripier un insolent stock de 501 au denim patiné par les années. Après investigation, je réalise qu'il n'y a que des tailles "homme", autrement dit rien en dessous du 33. Or, impossible de les essayer dans la rue, et donc de savoir s'ils feraient ou non de bons jeans boyfriend/oversize... Je m'éloigne à regret, me promettant de demander à mes copines pros du vintage si le 501 taille 33 époque années 80 fonctionnera ou non sur moi.
Mardi
17h : À l'intérieur du Duomo, Charles est autant fasciné par l'immensité des lieux que par la mangeoire vide de la crèche : "bébé parti ?".
17h30 : Je n'ai jamais vu autant de personnes en manteaux de fourrure. Depuis qu'il fait un peu plus froid, je ne cesse en effet de croiser pelages soyeux, fourrures rétro et autres pelisses un brin ternies par le temps. Cela dit, contrairement à ce que l'on peut voir dans les stations de ski huppées, la fourrure n'a ici rien d'ostentatoire. Elle est en effet portée avec beaucoup de naturel, de la frêle vieille dame à l'étudiante assise sur les marches d'une église en passant par la ménagère faisant son marché. Elle semble vraiment faire partie du dress code des Florentins.
19h : Nous décidons d'aller déguster un hamburger au sein du bar/restaurant situé au bout de notre rue et qui est peu à peu devenu notre QG. Comme à son habitude, Tommy - l'un des serveurs - nous accueille chaleureusement en nous saluant par nos prénoms. Svelte, polyglotte, la peau ébène, l'âge indéfinissable et le geste distingué, ce personnage ne cesse de m'intriguer.
20h15 : Vers la fin du repas, Tommy vient discuter avec Charles et de fil en aiguille nous entamons une vraie conversation. Je découvre alors qu'il a 60 ans (alors qu'il en fait 40), qu'il est issu d'une famille de 21 enfants (dont 19 filles), qu'il est originaire du Nigeria, qu'il est géologue de profession, qu'il vient passer ses soirées ici pour aider ses amis, mais aussi qu'après 30 ans passés en Italie à étudier les sols, il compte retourner l'année prochaine en Afrique afin d'apprendre à la population comment repérer et extraire les ressources du sous-sol. Il nous explique à quel point il est important que la nouvelle génération d'Africains apprenne à maîtriser de A à Z l'exploitation des richesses de son continent. Je lui demande ensuite s'il voit souvent les siens : il sourit et me confie que leur mère ne leur laisse pas le choix : à chaque Noël, tous les membres de la famille ont l'obligation de converger vers Zurich afin de célébrer les fêtes tous ensemble. Et gare au courroux maternel si l'un des enfants manque à l'appel...
Mercredi
15h : En humant la savoureuse odeur de cookie envahissant l'appartement (Charles a voulu tester autre chose que le gâteau au yaourt), je me demande si celle-ci ne procure finalement pas plus de plaisir que la dégustation en elle-même…
17h : En descendant de la place Michelangelo, je tombe sur la minuscule échoppe où Alice a déniché ses fameuses petites aquarelles. Je me promets d'y revenir seule afin de m'en constituer un stock. Elles seront en effet idéales comme cartes de remerciements, petits cadeaux, cartes de voeux, marques pages…
19h : Emmanuel m'envoie un message Facebook avec en lien cet article et me demande ce que j'en pense. Bonne question !
Jeudi
9h : Je reçois un email du bureau de presse du Pitti Uomo m'invitant personnellement au salon - ils ont appris que nous avons déménagé en Italie - et me demandant à quels shows j'aimerais assister. J'apprécie la délicatesse de cette intention.
15h : En croisant successivement une jeune femme en jean boyfriend roulotté sur la cheville et mocassins à mors déclinés en bottines, puis une autre en turban bordeaux, jupe midi bleu marine, pardessus camel et baskets bleu marine, je me dis que l'hiver sied bien aux Florentines...
16h : A deux pas de la boutique de souliers pour enfants où nous venons de renouveler les baskets de Charles, je découvre une boutique vintage où un long manteau peignoir à carreaux vichy violine me susurre de l'emporter pour l'étrenner au Pitti Uomo. Il est vrai que porté croisé et ceinturé sur un 501 roulotté sur la cheville, il pourrait faire son petit effet !
Vendredi
7h40 : J'apprends que l'Assemblée Nationale vient d'adopter une loi visant à accompagner les photographies de mannequins dont l'apparence corporelle s'est vue affinée ou épaissie de la mention "photographie retouchée". J'ai hâte de voir ce que cela donnera dans la pratique...
Par Lise Huret, le 18 décembre 2015
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Les photos de Vivian Maier m'ont émue...