Kim KardashianIsabelle Huppert

Balenciaga, entre snobisme et pop culture américaine

Quoi que l'on puisse penser de la nouvelle campagne Balenciaga, il est agréable de se voir confronté à un produit appelant à faire fonctionner neurones et esprit critique. À la fois complexe et représentatif de l'époque, l'opus publicitaire célébrant - entre autres - l'arrivée du sac "Cagole" suscite en effet moult réflexions. En voici quelques-unes…
Kim Kardashian
Lorsqu'en 2008, Victoria Beckham pose pour Marc Jacobs, l'aura du designer rejaillit sur l'ex-Spice Girl alors en voie de "gentrification". Ainsi adoubée par le DA d'une des griffes les plus en vue du moment, la jeune femme gagne instantanément en crédibilité. Les clichés subtilement absurdes de la campagne signée Juergen Teller ouvrent alors la voie à la Victoria Beckham que nous connaissons aujourd'hui. 
À l'inverse, lorsque Kim Kardashian pose pour Balenciaga, ce n'est pas la griffe parisienne qui adoube la businesswoman/star de télé-réalité/influenceuse (284 millions d'abonnés sur Instagram), mais bel et bien la milliardaire américaine qui braque les projecteurs sur Balenciaga. Autrement dit, si une griffe pouvait autrefois avoir suffisamment d'influence pour transfigurer la carrière d'un individu, ce sont désormais les individus - et plus particulièrement les stars intensément suivies sur les réseaux sociaux - qui boostent le rayonnement des marques. 
Balenciaga n'en est pas à son coup d'essai en matière d'égéries issues de la pop culture américaine. En 2020, la rappeuse américaine Cardi B avait en effet eu carte blanche pour incarner la griffe au sein d'une campagne shootée chez elle à Los Angeles. Il est intéressant de noter que la jeune femme partage deux particularités avec Kim Kardashian : un sens aigu du business et une plastique infiniment suggestive. Il semblerait ainsi que ce soit ce modèle de femmes à la fois dominantes et ultra sexualisées qui inspire aujourd'hui les foules et qui donc fait vendre. 
L'univers marseillais étant jusqu'ici tacitement préempté par Simon Jacquemus, on se demande si ce dernier prendra ombrage de la dénomination du nouveau sac signé Balenciaga : "Le Cagole". On s'interroge également sur l'existence d'un second degré - voire d'un troisième - dans le choix artistique de faire poser Kim Kardashian en compagnie dudit sac…
Isabelle Huppert
Apparemment désireux de toucher également sa clientèle parisienne, Demna Gvasalia invita pour la seconde fois Isabelle Huppert au sein de sa campagne "galerie de portraits" . Un choix qui - si l'on en juge par les clichés lui étant consacrés - n'est pas parvenu à faire pétiller les zygomatiques de l'actrice. Incarnant le stéréotype de la bourgeoise déprimée au snobisme assumé, cette dernière renvoie en effet une image à la fois froidement hautaine et glacialement désabusée (voir ici et ). Or, si ce genre de personnage peuplant la monde de la mode pouvait faire fantasmer il y a encore quelques années de cela, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En cette période où le sourire d'autrui est devenu une denrée rare, offrir des visuels aux mines délibérément lugubres évoquant l'humeur d'un héros houellebecquien manque cruellement d'élégance. 
On notera que les photos ont été prises aux domiciles des égéries. Un signe du temps... Après deux ans de pandémie, de quarantaines et de confinements, la maison est en effet devenue un véritable prolongement des individus. On la pense pour être entraperçue sur Zoom, pour flatter la carnation lors de ses prises de selfies (ou ses Stories vidéo) ou encore pour générer des "likes". Sans parler de la nouvelle tendance "homecare" (ou "ménage chic" ou encore "soin de la maison") qui incite à la considérer comme une entité propre dont les produits d'entretien se confondent avec de véritables produits de beauté. 
Sac baguette de forme arrondie, Le Cagole confirme la montée en puissance des années 2000 au sein de l'imaginaire des designers. Il suffit en effet de jeter un oeil au petit dernier de Balenciaga pour se retrouver instantanément projeté au sein de la garde-robe de Paris Hilton période "The Simple Life"... On regrette par ailleurs qu'en revendiquant être une version revisitée du Classic First de la griffe, le Cagole galvaude l'une des pièces phares de l'héritage Ghesquière. 
Photographiée ici en train de prendre un selfie tout en regardant l'objectif de la caméra, Kim Kardashian n'en finit pas de redéfinir les codes d'une pratique qu'elle a elle-même contribué à populariser. À l'instar des professionnelles de la pose miroir qui tentent actuellement de renouveler l'art déjà daté du selfie (on pense tout particulièrement aux "selfies immobiles filmés" de Sophie Fontanel).

La campagne : https://www.balenciaga.com/kwd-298456540937
Par Lise Huret, le 04 février 2022
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19 commentaires
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CharlotteIl y a 2 ans
ce qui me dérange le plus c'est de lire lE cagole :D
Sinon je trouve cette campagne ridicule et moche, comme les fringues Balenciaga
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PaolaIl y a 2 ans
Merci pour ce commentaire qui m’a beaucoup fait rire !
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miss agnesIl y a 2 ans
Olivier Rousteing n'est pas spécialement le champion de la subtilité. Moi aussi, ton commentaire me fait bien rire et je suis totalement d'accord.
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Spunky Il y a 2 ans
Il s’agit d’une campagne Balenciaga.
Olivier Rousteing = Balmain.
Je crois au vu de ton commentaire désobligeant à son égard, qu’il est plus subtil que toi.
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FredIl y a 2 ans
Je pensais que l'esthétique de la cagole allait définitivement envahir notre jeunesse, jusqu'à ce que je vois hier en caisse de Zara une jeune femme à l'élégance de faon, des cheveux naturels, pas maquillée et d'une grâce absolue. Elle était en train d'acheter une petite veste en boutis dénichée au rayon enfant taille 14 ans. Je l'observais et me suis dit que tout espoir n'est pas perdu 😌🥰
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AdelineIl y a 2 ans
Waou ! Sur la photo, Isabelle Hupert a rajeuni de 30 ans !
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A.SophieIl y a 2 ans
N'est-ce pas ? On dirait Jessica Chastain...
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Violette.bIl y a 2 ans
Je suis perplexe comment se comprend "Cagole" au delà de l'océan ? Du coup l'effet "à tiroirs " est il international ? Reste donc un truc très laid . Comme le décrypte bien Lise, une horreur qui tue sa source d'inspiration en la dévoyant . Bon là c est trop compliqué pour moi , je préfère I Huppert en Isabelle Huppert même si on l'a perdue dans photoshop
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Éloïse Il y a 2 ans
Au secours !! comme certains l'ont déjà fait remarquer le sac "Kermit la grenouille" est numéro 1 de la laideur. Hupert Prozac est plus classe.
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Réré Il y a 2 ans
J’ai adoré lire cette fine analyse.
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Seul et fabuleux ! Il y a 2 ans
On est loin du temps "Ghesquiere/Gainsbourg" ahah
Fallait que je le "dise"... ;)
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m. Il y a 2 ans
Non mais au secours, est-ce qu'on est partis pour dix ans de chaussures à long bout pointu ?
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EliseIl y a 2 ans
je n'arrive toujours pas à savoir si Demna est un génie ou un imposteur... si il fait vraiment des fringues ou juste du buzz, en tout cas qu'il m'énerve ou me fascine son travail me touche à chaque fois (et ce depuis la première époque Vetements), c'est peut être là son plus grand talent !
Merci pour cette chronique de l'air du temps ce sont mes préférées !
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TaratatimIl y a 2 ans
Superbe analyse... et quand vous dites: " On regrette par ailleurs qu'en revendiquant être une version revisitée du Classic First de la griffe, le Cagole galvaude l'une des pièces phares de l'héritage Ghesquière...."
Justement, que fait on de son vieux First Classic cette année ? on le ressort en mode vintage ou le cache...?
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jickyIl y a 2 ans
je crois que je ne supporte plus tout ce que ces images représentent: la surconsommation, le narcissisme, la vulgarité, l'américanisation sans aucun recul... Puant de fric et de moche, c'est tout. :-)
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jickyIl y a 2 ans
et sinon, Isabelle Huppert se prend pour Mylène Farmer? California? :-)
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JustineIl y a 2 ans
Mais je ne comprends pas la cohérence de la marque entre une facette très américaine Kim K, Cardi B, Justin Bieber... et de l'autre Isabelle Huppert? Comment une marque peut-elle revendiquer des égéries aussi éloignées ? A moins que je loupe un dénominateur commun ?
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EliseIl y a 2 ans
Pour moi aussi éloignés soient-ils ils représentent une forme de grosse bourgeoisie fantasmée. Très à l'américaine pour Kim, Justin, etc. et plus parisienne pour Isabelle Hupert. J'y vois vraiment une forme d'élitisme social assumée, qui justifie à la fois les prix exorbitants et le mauvais goût de certaines pièces (une personne ''normale'' ne pourrait pas les arborer sans faire ''plouc''), contrairement aux images proposées par Cardi B qui à mes yeux sont moins prétentieuses et plus second degrés.
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EmaIl y a 2 ans
IL ressemble pas un peu au petit machin Prada en polystyrène ce sac ?

Sinon c'est pas non plus malin malin, de prendre Kim K pour faire vendre c'est un peu facile non ? SI c'était fait par Saint Laurent ou par Hermes je dis pas mais là c'est du déjà vu.
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