Saint-Paul-de-Vence, 13h40. Arrimée au bras de celui qui l'a persuadée de l'accompagner au défilé de Simon Porte Jacquemus (un jeune homme souriant qui lui évoque un Ken à la française), elle réalise que le service après-vente de la couverture du Vogue UK est tout aussi fastidieux que les périodes de promotion accompagnant la sortie de ses films. Entre la concentration requise pour ne pas se briser une cheville en marchant avec ces escarpins bien peu ergonomiques, les exercices mentaux de relaxation visant à détendre ses zygomatiques (afin que son 569ème sourire de la journée n'apparaisse pas trop crispé), son manque d'intérêt viscéral pour la mode et les échanges crispants avec Amazon (qui n'a toujours pas livré le cadeau d'anniversaire de son mari), elle rêve d'être ailleurs… Et plus précisement au coeur de son ranch de Taos (Nouveau-Mexique) où, chaussée d'une paire de boots Hunters et vêtue d'un sweat trop grand, elle reprendra la vie qu'elle affectionne, très loin des embrassades surjouées et des journalistes qui l'identifient encore et toujours à son rôle dans "Pretty Woman"...
Paris, 15h. Elle est en retard. Elle n'aurait pas dû faire un détour par la librairie Ofr. Elle pensait avoir le temps, mais c'était sans compter sur son incapacité à refermer ce vieux numéro de Dazed… Heureusement, le manque de courtoisie de la gérante des lieux a fini par la faire partir. Elle se demande combien de personnes vont reconnaître la provenance de son trench. 5 ? 2 ? 0 ? Arborer une pièce d'une ancienne collection d'un créateur mythique fait partie des petits plaisirs qu'elle affectionne particulièrement, à l'instar des massages des phalanges, des essayages de Uggs et du grillage de s'mores sur sa gazinière. Face au regard approbateur que vient de lui lancer Anna Wintour, elle jubile : porter du Céline époque Phoebe Philo était effectivement une très bonne idée. À quand le retour de Christophe Decarnin afin qu'elle puisse enfin rentabiliser ses pièces Balmain de 2008 ?
Paris, 10h. Après avoir replacé parfaitement les huit oreillers du lit conjugal, rangé délicatement la vaisselle Olivia Pellerin du petit déjeuner, puis disposé en bouquet les dahlias fraîchement livrés, elle a chaussé son serre-tête préféré pour aller assister au défilé Chanel. Le seul qui, saison après saison, lui procure une véritable satisfaction. Karl ou Virginie, peu importe : elle y retrouve les valeurs qui gouvernent sa garde-robe au quotidien, entre absence de vulgarité, classicisme des coupes et chic intemporel. Elle qui vénère les twin-sets (et ce bien avant que Miuccia Prada ne les remette au goût du jour) et qui n'aime rien moins que les surprises, voit dans les défilés de la griffe au camélia une sorte de relaxation visuelle qui valide sa manière d'envisager la mode (et le monde).
Par Lise Huret, le 02 février 2024
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