Lorsque Jourdan Dunn fut repérée dans un centre commercial anglais par l'agence Storm (celle de Kate Moss), la jeune adolescente d'à peine 16 ans était en train de rire avec l'une ses amies devant un étal de lunettes, et non pas en train de faire du shopping comme l'ont écrit de nombreux journalistes. Cette précision, c'est Jourdan elle-même - possédant ce franc-parler lié à la jeunesse - qui a tenu à l'apporter.
De la même manière, elle constata qu'en dépit de la présence de nombreuses filles de couleur lors des castings, ces dernières ne se retrouvaient pas sur les podiums londoniens. Or, étant donné le visage cosmopolite de la société actuelle, il lui semblait incohérent de présenter un modèle uniforme de mannequins à la peau blanche… Tout cela, Jourdan le déclara sans vouloir défendre telle ou telle cause : elle désirait juste pointer du doigt - presque candidement - un manque flagrant de diversité au sein du monde de la mode, que ce dernier ne pourra d'ailleurs plus longtemps ignorer…
En effet, les mannequins noires ayant fait rêver Jourdan enfant ne sont autres que celles qui font rêver les fillettes black d'aujourd'hui, personne n'ayant pris la relève de Naomi Campbell ou de Tyra Banks depuis plus de 10 ans. On note clairement que depuis la fin des années 90, la couleur de peau semble compter autant que le poids dans le choix des mannequins que l'industrie de la mode décide d'ériger en top models.
Certaines analystes intéressées par le sujet ont ainsi constaté que très peu de magazines consacrent leur couverture à des modèles typées "africaines". Et si dans le Vogue de juin, Noémie Lenoir pose en couverture, l'intérieur du magazine ne comporte qu'une seule photo d'elle. Tous le reconnaissent à visage caché : l'industrie de la mode est devenue ces derniers temps presque sectaire, pour ne pas dire raciste. A priori, seules les filles minces, blondes et blanches feraient vendre…
Heureusement, l'accueil fait à la jeune Jourdan Dunn semble annoncer un début d'inversion de la tendance. Ainsi, lorsque l'adolescente arriva chez Storm, Sarah Doukas (directrice de l'agence) fut réellement enthousiasmée par le profil de la jeune fille. Elle savait que si Jourdan parvenait à percer, cela allait changer bien plus que la vie d'une ado : cela allait sensibiliser le public à différents types de beauté, et ouvrir de nouvelles perspectives au monde du mannequinat.
En 2007 (à peine quelques mois après avoir signé avec son agence), Jourdan découvre l'euphorie des fashion weeks en défilant pour Marc Jacobs, Ralph Lauren et Salvatore Ferragamo. Dans un premier temps, la belle (qui n'a jamais quitté l'Angleterre) est déboussolée, mais parvient néanmoins à s'adapter très vite. Son visage, sa fraîcheur et sa plastique irréprochable attirent sans beaucoup de surprise l'attention de Benetton, qui la fera figurer dans sa campagne automne/hiver 07/08.
Au fur et à mesure, Jourdan prend de l'assurance et réalise clairement que la mode - afin d'être vécue sereinement - devait être appréhendée comme un jeu. Si dans un premier temps elle se sentit écrasée durant les castings par les autres filles, parées de it bags et collant au plus près des tendances, elle se détacha très vite de cette compétition, jugeant qu'obtenir tel ou tel contrats n'était guère une question de vie ou de mort.
Cela étant, elle se passionne pour son nouveau métier : alors que lors des shootings, nombre de mannequins ne prêtent pas attention aux vêtements, Jourdan prend le temps de les examiner sous toutes les coutures, regarde attentivement le travail des coiffeurs, pose des questions et apprend à une vitesse folle.
Début septembre 2007, elle franchit une étape importante en étant reconnue comme étoile montante du mannequinat par le Vogue Anglais. En octobre 2007, elle défile pour Diane Von Furstenberg, Gwen Stefani's L.A.M.B. label, Tommy Hilfiger, Alexander McQueen et Hermès. En février 2008, c'est pour Prada que Jourdan arpente le catwalk, tandis que plus récemment elle défilait pour Chanel à Los Angeles…
En à peine deux ans d'existence dans le métier, Jourdan Dunn est devenue une graine de top, en parvenant à apprivoiser des podiums auparavant furieusement white touch'. Espérons, comme Sarah Doukas, que ce ne soit qu'un début et que bientôt une griffe (à l'image d'YSL avec Naomi Campbell) se risquera à faire d'une mannequin noire son égérie…
Par Lise Huret, le 28 mai 2008
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