À l'instar de Coco Chanel ou d'Elsa Schiaparelli, Nina Ricci est l'une des créatrices ayant su inscrire son nom en lettres d'or au coeur de la garde-robe féminine. Cependant, alors que Coco décousait les ourlets et qu'Elsa insufflait à la mode un twist dadaïste, Nina quant à elle proposait des collections raffinées, élégantes et intemporelles, visant à rendre aux femmes leur féminité oubliée sur l'autel de la "garçonne attitude" des années 20.
Née à Turin en 1882, la petite Marie Adelaïde Nielli, future Nina Ricci, n'y restera pas longtemps. Très vite, sa famille déménage ainsi vers Florence, où la fillette passera le début de son enfance. L'enfant est rêveuse et n'aime rien de mieux que de confectionner des tenues d'apparat pour sa collection de poupées, à partir de quelques chutes de tissus. Puis, une fois en âge de coudre, elle s'est mise à créer des chapeaux pour toutes les femmes de son entourage...
Marie Adelaïde sent alors que sa vie sera liée à la couture, elle en a même la certitude. Elle débute ainsi vers 16 ans sa vie professionnelle en tant que petite main, puis acquiert suffisamment de dextérité pour passer première d'atelier, à seulement 18 ans.
Au même moment, la jeune femme tombe éperdument amoureuse d'un jeune bijoutier, Luigi Ricci, qu'elle épouse : elle devient ainsi Nina Ricci. Rapidement, le couple s'installe à Paris. Puis Nina devient maman en donnant naissance à leur fils Robert et commence à travailler au sein de la maison de couture Raffin.
Cependant, les années passent et les modes défilent, notamment celle de la garçonne, qui offusque quelque peu la conception de l'élégance de Nina Ricci. Il faut dire que celle-ci n'a rien à voir avec la frivolité émancipée de ces jeunes femmes coiffant chapeau cloche et dévoilant leurs jambes... C'est alors que survient la crise économique de 1929, amenant la population à revenir à des valeurs sûres plus classiques.
C'est dans ce contexte que Nina Ricci décide en 1932 de fonder sa propre maison de couture au 20 rue des Capucines (Paris 1er arrondissement). Ses créations luxueuses au raffinement subtil ravissent le coeur des Parisiennes, qui trouvent chez Nina Ricci ce degré d'excellence propre à la haute couture. L'entreprise Ricci prend ainsi rapidement de l'ampleur, jusqu'à s'étendre juste avant la guerre sur les 11 étages de l'immeuble de la rue des Capucines...
À la sortie des hostilités, Robert Ricci choisit de suivre la mode en se lançant dans la parfumerie. Le jeune homme compose une première fragrance dénommée Coeur-Joie, dont il confie la conception du flacon à son ami Marc Lalique. Le parfum envoûte immédiatement la clientèle, qui plébiscitera deux ans plus tard le nouveau jus Nina Ricci, l'Air du Temps, en en faisant l'une des fragrances les plus vendues au monde. Le flacon ovale surplombé d'une colombe deviendra même le symbole de la maison...
En 1950, les Ricci embauchent un jeune styliste, Jules-Francois Crahay, dont le talent offrira à la griffe une visibilité internationale.
Par ailleurs, Robert Ricci excelle dans l'art de s'entourer des meilleurs créatifs du moment. C'est ainsi que les flacons de parfum sont confiés aux bons soins de la maison Lalique, qu'Andy Warhol s'occupe du lancement de L'air du Temps aux USA et que David Hamilton met en exergue le romantisme éthéré de la femme Ricci en shootant les collections prêt-à-porter. Sous la houlette de Nina et du jeune Crahay, la griffe impose peu à peu un véritable lifestyle Nina Ricci en développant des collections homme, accessoires et cosmétiques.
En 1970, la grande dame décède, laissant à son fils un empire florissant. Ce dernier rendra hommage à sa mère en lui dédiant un parfum, dénommé Nina. Une vingtaine d'années plus tard, c'est au tour de Robert de tirer sa révérence, laissant la société à son gendre, qui la cédera au groupe Puig Beauty & Fashion en 1998. Le styliste Lars Nielsen prend alors les rênes de la direction artistique. Cependant, si son travail est remarquable, il ne parvient pas à transcender l'âme de Nina Ricci, si bien que jusqu'en 2006, Nina Ricci est bien plus un parfum qu'un acteur majeur de la mode...
Cependant, avec l'arrivée du romantique et ténébreux Olivier Theyskens, débauché chez Rochas, la maison renoue avec sa gloire d'antan. Les actrices tombent littéralement amoureuses des robes féériques imaginées par Theyskens et plébiscitent le travail du jeune belge sur les tapis rouges hollywoodiens.
Néanmoins, en dépit de l'osmose avérée entre le styliste et la gent féminine, Theyskens est remplacé en 2009 par Peter Copping, un ancien de chez Marc Jacobs. Espérons que ce dernier saura distiller ce romantisme empreint de fragilité inhérent à Nina Ricci, que Theyskens avait si bien su mettre en avant...
Par Lise Huret, le 14 mai 2009
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