John Galliano, l'interview

Après deux ans de silence, John Galliano se livre aujourd'hui à Vanity Fair. Une interview sans concessions, où l'ex-directeur artistique de Dior n'hésite pas à dévoiler tous les détails de sa tragique descente aux enfers...
John Galliano - Vanity Fair
Si la désertion de Christophe Decarnin de chez Balmain et le scandale Galliano fut pour beaucoup l'occasion d'ouvrir les yeux sur un système capable de broyer ses créateurs les plus fragiles, les propos récemment recueillis par le magazine Vanity Fair nous permettent d'en apprendre un peu plus sur les circonstances de la "chute" de John Galliano.

Une déchéance que le créateur explique avant tout par sa relation avec l'alcool : "Dans un premier temps, l'alcool était simplement une béquille. Puis je l'utilisais pour m'effondrer après une collection. Il me fallait alors deux jours pour m'en remettre, comme tout le monde. Mais avec toujours plus de collections à gérer, cela arrivait plus souvent, jusqu'à ce que je devienne esclave de l'alcool. C'est alors que je me suis mis à prendre des somnifères, car je n'arrivais pas à dormir, puis des pilules pour arrêter de trembler. [...] J'entendais sans cesse des voix dans ma tête, qui me posaient des tas de questions, mais à aucun moment je n'aurais admis être alcoolique. Je pensais être capable de contrôler tout ça". Constamment "dans sa bulle", Galliano vécu ainsi longtemps totalement déconnecté de la réalité : "Je ne savais pas utiliser un distributeur de billets".

Au sujet de ses propos antisémites du 24 février 2011 tenus sur la terrasse du café parisien La Perle, Galliano déclare : "C'est la pire chose que j'ai pu dire dans ma vie, mais je ne le pensais pas. J'ai depuis essayé de comprendre pourquoi ma colère se dirigea ce soir-là vers cette communauté. Je réalise maintenant que j'étais tellement hors de moi et mal dans ma peau que j'ai simplement dit la chose la plus horrible que j'ai trouvée." Depuis, le créateur révèle avoir lu plusieurs livres sur la Shoah et s'être rapproché de la communauté juive.

Loin de jeter la pierre à ses ex-patrons Sidney Toledano et Bernard Arnault (que certains jugèrent alors un peu trop prompts à ce séparer de leur poule aux oeufs d'or devenue soudainement canard boiteux), Galliano révèle que ceux-ci lui ont tendu la main à deux reprises, peu de temps avant l'incident : "Ils me dirent que j'allais finir par mourir si je ne faisais rien pour résoudre mon problème. En réaction, je déchirai mon tee-shirt, révélant un torse musclé puis lançai : ‘Est-ce que cela ressemble au corps d'un alcoolique ?'".

Il avoue par ailleurs ne pas avoir pris tout de suite conscience du tort qu'il avait pu causer à son entourage, et notamment à son collaborateur Bill Gayten : "Lorsque Bill me demanda : ‘Est-ce que tu réalises ce que tu as fait ?', je lui répondit : ‘Je pense', mais en fait ce n'était pas le cas, je ne pouvais pas lui dire tout simplement ‘oui', cela m'était impossible. Je ne lui ai pas reparlé depuis. C'est quelqu'un avec qui j'ai travaillé pendant 30 ans. Je réalise chaque jour un peu plus à quel point j'ai pu blesser les gens".

Entre lucidité, repentance et gratitude envers ceux qui n'ont jamais cessé de le soutenir (de Kate Moss à Anna Wintour en passant par Linda Evangelista), John Galliano nous livre ici une confession-analyse qui devrait lui permettre d'avancer un peu plus sereinement.

Et si l'on sait pertinemment que cette interview s'inscrit au sein d'une campagne de réhabilitation parfaitement huilée, difficile de ne pas être touché par ces quelques mots : "Cela peut paraître étrange, mais je suis vraiment reconnaissant pour ce qui m'est arrivé. J'ai tellement appris sur moi-même. J'ai redécouvert ce petit garçon avide de créer que j'étais au départ et que j'avais fini par perdre de vue. Je suis vivant".
Lire l'interview sur Vanityfair : http://www.vanityfair.com/john-galliano-interview-exclusive
Par Lise Huret, le 06 juin 2013
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14 commentaires
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SamanthaIl y a 10 ans
Peut être que ça ressemble à une jolie interview d'un Galliano tout beau tout neuf, mais il doit y avoir quand même du vrai là dedans. Certains passages m'ont vraiment touchée, la description de son passage à l'alcoolisme est vraiment très triste....Je crois à son histoire à propos de la fameuse insulte, je pense que cela n'avait rien avoir avec de l'antisémitisme à la base mais plutôt avec une sorte de demence et une forte envie de choquer. En tout cas je suis sure qu'il fera son come back mais je ne crois pas qu'il retrouvera le grand succès qu'il avait pu connaître avant.
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shadowIl y a 10 ans
Moi aussi ca me touche beaucoup. c'est certain qu'il y a derrière une volonté de communication pour préparer son retour. Mais il parle vrai, ne s'épargne pas, ca sonne vraiment juste
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jer_o_meIl y a 10 ans
Le premier numéro de l'édition française de Vanity Fair devrait apparaître dans les kiosques à la fin du mois. Peut-être aurons-nous droit à une VF de cet entretien.
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beuhIl y a 10 ans
Vous avez même des juifs qui tiennent des propos antisémites. Difficile de s'y retrouver...
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SpunkyIl y a 10 ans
Je suis touchée par son témoignage. Quand on travaille à ce niveau, on vit véritablement dans une bulle. On a tout à disposition, chauffeur, quelqu'un pour les cigarettes, tout.
J'apprécie que Galliano rappelle que Toledano et Arnault ont tenté de le sauver de son propre abîme.
Quelle erreur de parcours ! J'espère qu'il reviendra à la mode. Il peut créer quelque chose sans l'usage de son nom et avec moins d'assistants dévoués que chez Dior, mais c'est peut être mieux.
L'alcool fait beaucoup de dégâts, et le nombre d'alcooliques mondains n'est pas près de baisser. Qu'il prenne du baclophène et qu'il se réconcilie avec Gayten rapidement et enfin se mette à dessiner des robes somptueuses même si j'ai l'impression que l'époque est passée à autre chose. Qu'il renaisse de ses cendres et prouvent à tous qu'il a le virus de la mode dans le sang.
Même s'il s'agit d'une opération de communication, il fait preuve d'humilité. C'est dommage qu'il ait fallu ce regrettable épisode pour qu'il revienne sur terre.
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Dimitri. Il y a 10 ans
S. Tolenado & B. Arnault, les têtes pensantes de chez Dior ne sont que des monstres assoiffés d'argent et de bénéfices, se souciaient-ils sincèrement de l'état de John Galliano, ou bien, tentaient-ils en vain, et par avance, de sauver la Maison Dior d'une abîme potentielle ? Je ne pourrais y répondre, mais si c'est réellement le cas, alors voici l'occasion pour moi de changer d'avis sur les directeurs, l'espace de quelques secondes...

J'arrive progressivement à me satisfaire du travail de Raf Simons, mais reste que rien ne pourra autant me satisfaire que l'esprit Galliano chez Christian Dior, la minutie et l'opulence, lui faisant toujours défaut.
J'espère donc autant tout autant qu'il puisse un jour reprendre une activité concrète, même si Bill Gayten arrive à maintenir une douce aura de souvenir pour le moment...
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samanthaIl y a 10 ans
Superbe photo d'Annie Leibovitz, et très belle interview, vraiment touchante.

Comme je le pressentais, il n'y avait aucun antisémitisme, juste des élucubrations d'un type complètement paumé et défoncé....
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....Il y a 10 ans
J'attends de pouvoir lire cette interview en entier.
C'est extrêmement touchant de voir comment ce personnage qui faisait rêver les femmes avec ses créations vivait dans un espèce de monde parallèle. Malheureusement, ce genre de scénarios sont communs aujourd'hui et pas seulement dans le monde de la mode. Le burn-out de Galliano peut rappeler certains comme ceux chez France Telecom ou autres.

C'est bien de voir que le milieu l'a toujours soutenu. On mentionne souvent Anna W qui est un peu sa godmother mais c'est touchant de voir qu'il a gardé des soutiens qui plus que le designer talentueux, soutiennent l'homme fragile.

Karl l'a dit: "la mode est dangereuse, éphémère et injuste". Beaucoup de soldats de la mode sont aujourd'hui no where to be found. On pense à Claude Montana ou encore Christophe Decarnin.

Galliano a laissé une telle empreinte sur la mode de ces 20 dernières années... Il doit pouvoir exprimer sa créativité. Ça serait bien qu'il reprenne le contrôle de sa marque, se déleste des licences et se concentre sur la création comme Alaia en son temps ou Hervé Leger aujourd'hui. Une mode pour des femmes, des fans et une poignée d'initiés.

PS: toujours aucune de Decarnin? Ça fait plus de 2 ans aujourd'hui.
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virginie/mode9Il y a 10 ans
Tout le monde a droit à une seconde chance, et puis il n'a tué personne non plus !!
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artoIl y a 10 ans
L'homme a souvent tendance à se laisser glisser... jusqu'à ce qu'il se prenne une bonne baffe dans la figure, et se remette à marcher droit.

Dans le cas de Galliano, cela fait très mal, mais c'est un mal nécessaire, et il reviendra plus fort que jamais.
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LeCancreIl y a 10 ans
Personnellement je suis à fond pour son retour.
Sa chute est le symbole de l'explosion d'un système que d'une certaine manière il incarnait à lui tt seul!Bon je pense qu'ici et ailleurs on a suffisement commenté1-son éviction 2- ses propos 3- son boulot chez Dior donc je passe mon tour.Ce que je retiens stt c'est que si en effet il renaît il retrouve cette pureté dans le théâtralité qui lui faisait défaut depuis un moment on avait depuis longtemps perdu ce "smarter thinking"comme le nomme bitchy Cathy.ainsi que ces coupes complètement délirantes de complexité.(cf été 95 et hiver94)de même que ce côté un peu ecorché de son héroïne qui c'était érodé au profit de l'esthétique.
En Bref si il revient à ça ce pourrait être une seconde révolution qu'il opérerait.Ce qui serait formidable(Parceque perso niveau excitation en ce moment...).
Bon allez John tu nous déçois pas hein!
NB:On y va aussi pour l'été 97 et puis l'hiver 96 oh fuck et puis tt de 93 à 98(sauf chez Diorhein faut pas de******.Parcequ'il nous faisait le même coup que le petit Lee même si lui ça se voyait moins)
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AnnoushkaIl y a 10 ans
Galiano me fais penser à Romain Roland qui a noté dans son journal :

" 26 mars, mort de Claude Debussy...
Le seul créateur de beauté dans la musique de notre temps..."
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handMODEIl y a 10 ans
Oui j'ai lu les extraits sur vanityfair. J'attends de pouvoir lire l'article dans son entier.

Que dire de plus si ce n'est que ces personnages créatifs de génie sont hors du commun dans tout les sens du terme.
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SheighIl y a 10 ans
Il a pris conscience qu'il sombrait et pour moi c'est sa plus grande victoire! Il est un génie hors paire et le perdre donnait un coup de cafard à l'industrie de la Mode surtout son remplaçant !
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