Instagram ou le royaume des gimmicks
Caricaturale à souhait, la "grammaire Instagram" regorge de tics esthétiques qui, par facilité ou par nécessité, se voient sans cesse recyclés par celles et ceux dont l'activité digitale se doit d'être soutenue. Passage en revue de ces partis pris visuels récurrents qui finissent par aseptiser les fils Instagram...
La route, le nouveau catwalk ?
Au vu du nombre d'influenceuses se faisant photographier en train de traverser la rue en se focalisant moins sur la présence potentielle de voitures que sur le naturel de leur démarche et la nonchalance de leur gestuelle (voir ici, ici et là), il est étonnant que ce phénomène Instagram n'ait pas fait monter en flèche le nombre d'accidents de la route. Et ce surtout lorsque les instagrameuses en question se prennent pour des Mike Horn du bitume en prenant le temps de remettre leurs escarpins dans la voie réservée aux taxis ou en confondant chaussée et salon de thé…
La doublure sucrée
Pour pallier la non-photogénie temporaire de leur minois (dû au choix à : 1/ un abus de fraises tagada, 2/ un peeling récent, 3/ une rupture de stock du Olympia Contour Blush de chez Nars), les instagrameuses ont mis au point un procédé ingénieux consistant à remplacer leur éclatant sourire par un aliment à la fois joyeusement calorique et hautement esthétique et qui, shooté en premier plan, jouera sans démériter les stars d'un jour (voir ici, ici et là). Ajoutez à cela le fait que ce genre de clichés permet d'associer ladite instagrameuse à des ondes "feel good" tout en donnant l'impression que celle-ci peut de temps à autre faire des entorses à son régime macrobiotique et vous comprendrez pourquoi les crèmes glacées à la vanille, les cupcakes colorés et autres glaces au charbon volent régulièrement la vedette aux nouvelles chouchoutes des marques...
Love is in the air
Alimenter un compte Instagram tenant désormais beaucoup du storytelling, les instagrameuses n'hésitent plus - afin de tisser une relation toujours plus addictive avec leurs followers - à mettre leur couple en scène. Il est ainsi désormais fréquent de voir poindre sur leur fil Instagram une photo - ô combien naturelle - du couple parfait qu'elles composent avec leur - non moins parfait - fiancé/mari/concubin (voir ici, ici et là). Leur couple subit alors le même traitement qu'elles apposeraient à une saynète les immortalisant en total look Chloé en train de lire la presse internationale en terrasse ou en train de siroter un "Golden Latte" entre copines photogéniques, à savoir un soin quasi maniaque dans l'élaboration d'une image à la spontanéité calculée visant à servir la politique de "self branding" de l'intéressée.
Vue sur la ville
Si le commun des mortels aurait tendance à choisir son hôtel en fonction des tarifs, du confort des chambres, de la localisation, des agencements "kids friendly" ou encore de la réputation du restaurant, on soupçonne les instagrameuses d'être à des années-lumière de ces préoccupations. Dans l'univers merveilleux de celles ayant oublié comment fonctionnait une carte bleue, le seul critère qui semble compter en matière d'hôtellerie est la photogénie des lieux, et notamment la présence d'immenses baies vitrées - ou de hautes fenêtres avec vue - leur assurant au moins un ou deux clichés bankables (voir ici, ici, ici, ici et là)…
À noter également
En posant avec l'une de ses amies (et donc en divisant par deux l'attention qu'on lui porte), l'influenceuse fait un effort quasi surhumain visant à prouver à ses détracteurs qu'elle n'est pas totalement égocentrée (voir ici, ici et là).
Illustrant à merveille le concept de "flemme cérébrale", le principe consistant à photographier ses chaussures vues d'en haut et sur un sol graphique fait école (voir ici, ici et là).
Ayant compris que les poses maniérées ont atteint leur date de péremption, les instagrameuses cultivent de plus en plus une esthétique "prise sur le vif". Pour le meilleur et pour le pire… D'autres vont plus loin en opposant aux expressions réjouies de leurs homologues une mine digne d'une mannequin arpentant un catwalk.
Par Lise Huret, le 24 octobre 2017
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