À l'occasion du dernier opus Gucci Pre-Fall, Alessandro Michele se joue - une fois de plus et avec délectation - de la notion de bon goût. Un état de fait qui a tendance à agacer celles et ceux ne pouvant supporter que celui qui ose plébisciter le come-back du legging en nylon puisse également être celui qui fait actuellement s'envoler le chiffre d'affaires de la griffe italienne…
On aurait cependant tort de s'arrêter à une silhouette tarabiscotée digne de notre ancienne - et un brin loufoque - correspondante anglaise. Car au delà de ses assemblages insolites, Alessandro Michele est le premier depuis longtemps à nous inciter à reprendre le pouvoir sur notre dress code, ses innombrables cadavres exquis nous poussant à revoir nos positions en matière d'incongru, de ridicule, de ringard et de "fashion faux pas". Entre les lignes de ses défilés outrageusement azimutés et de ses lookbooks kaléidoscopiques (voir ici, ici et là), il nous invite ainsi à nous affranchir des barrières nous empêchant de tester, d'expérimenter et de nous amuser vestimentaire parlant.
Il est vrai que les looks de ses héroïnes Gucci font figure de véritable manifeste pour une liberté d'expression esthétique totale, célébrant le lâcher-prise stylistique.
La femme Gucci n'hésite ainsi pas à : Extraire de sa penderie la "merveilleuse" robe achetée il y a 5 ans pour une soirée Deschiens et à la porter pour un entretien d'embauche (voir ici). Embrasser la cause féministe en transformant ses bijoux en ode aux Femen (voir ici).
Revendiquer le droit de nier la dimension cheapissime du legging en nylon (voir ici). Rentabiliser ses bijoux Shourouk en les brodant sur un bas en résille, et donner ainsi naissance à une coiffe célébrant son amour du rap et des années 1900 (voir ici). Assumer de piocher régulièrement au sein de la malle à déguisement du grenier parental de quoi épicer son look du jour (voir ici). Tomber en pâmoison devant le plaid recouvrant le coussin du chien de son dentiste et ne pas hésiter une seconde à le subtiliser pour s'en faire une étole (voir ici). Composer ses tenues en fonction de ses propres sensations (et non des codes vestimentaires de la Parisienne) en associant une casquette US lui rappelant les deux fabuleux mois d'été passés à New York lors de ses 16 ans, un tailleur japonisant en cuir lui faisant se sentir incroyablement zen et des gants en satin rose dont la saveur régressive a tendance à la réconforter (voir ici). Assumer sa nature frileuse en superposant guêtres et épais collants en laine (voir ici). Arborer - un 12 février - une pièce à sequins "spécial Nouvel An " chaussée d'énormes baskets lui permettant de traverser sans dommages les flaques de neige fondue et réchauffer le tout d'un manteau vintage chipé à une copine passant tout son temps libre chez Drouot (voir ici). Assumer de porter - et d'idolâtrer - un vêtement que 99,9% de son entourage trouve littéralement hideux (ici le sweat). Revendiquer le droit de désacraliser le concept de la robe du soir en la twistant à coup de références cinématographiques (ici les lunettes de Matrix).
Traiter l'ensemble de jogging avec autant de respect qu'un costume trois-pièces en lui associant une paire de derbies (voir ici). Décrocher quelques fioritures en métal doré de l'un des lustres du manoir familial, s'introduire en pleine nuit dans l'atelier du lycée professionnel de son fils et se confectionner - à coup de chalumeau - un serre-tête aux allures de diadème romain (voir ici). Faire abstraction de la nécessité de porter des collants en hiver sous prétexte que l'essentiel serait - selon la sagesse populaire - de couvrir le haut du corps (voir ici). S'amuser à abaisser considérablement le potentiel sexy d'une pièce en lui associant des éléments allant à contre-courant de ses élans naturels (voir ici). Tenter un effet "Retour vers le futur" en s'habillant comme la professeur d'anglais ayant illuminé ses années collège (1986-1990) (voir ici). Flatter ses velléités de globe-trotteuse en portant - et ce même avec ses tenues classiques-chics - des boots/baskets susceptibles de lui faire gravir le Machu Picchu (voir ici). Assumer sa passion dévorante pour les collants en laine à l'ADN mutant, entre énergie kawaï et ringardise coquette (voir ici). Décliner à l'envi le look d'Eleven de Stranger Things (voir ici).
Reste à savoir désormais quelles sont VOS envies vestimentaires inavouables et jamais assumées. C'est en effet le moment ou jamais de les concrétiser…
Par Lise Huret, le 18 décembre 2017
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19 commentaires
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Ca •Il y a 7 ans
Je n'aime pas tout mais au moins il y a des propositions amusantes, il se passe quelque chose de ludique et léger.
Ça rappelle presque les 1ers looks foux du streetstyle ( face hunter, the Sartorialist,...) ça mannnque cette folie!!!
les looks sont un peu outranciers (et parfois très moches) mais ils redonnent l'envie des couleurs, des imprimés, de la fantaisie qui manquaient un peu c'est vrai. cette exubérance fait du bien !!!
Looks dingos mais avec quelques très belles pièces (la robe blanche à rayures vertes et noires, le manteau au col brodé ... ) et puis oui c'est amusant. Le rôle des collections est de nous inspirer, pas d'être copiées au pied de la à lettre.
si seulement on était vraiment libres de porter tout ce qu’on veut de la manière que l’on veut. Mais sincèrement ce n’est pas cette campagne qui débloquera ça. Il y aura toujours des électrons libres qui arriveront à passer outre les diktats mais la majorité restera toujours « sage » de peur d’etre moquée. Heureusement que les soirées déguisées existent pour se lâcher de temps en temps lol.
Je trouve ces images super rafraîchissantes, jubilatoires, et mine de rien elles donnent des idées : d'associations de couleurs, d'imprimés, d'ambiance etc...de ce qu'il ne faut surtout pas faire aussi (même si on fait bien ce qu'on veut) ! Et puis voir toutes ces pièces ringardes il y a peu de temps encore ainsi mélangées à du n'importe quoi me les fait considérer d'un œil nouveau, et je trouve ça super intéressant...
Merci Lise !
Pareil, je trouve cela jubilatoire et cela donne des idées assez amusantes pour ne pas trop s'ennuyer dans la maison familiale entre Noël et le Nouvel An...
J'aime de plus en pus cette folie assumée. Même combat chez Balenciaga, et d'ailleurs ce n'est pas un hasard si les deux maisons se disputent désormais la première place du podium de la marque de luxe la plus cool du monde pour les consommateurs...
Parfois je me demande si Michele n'est pas le troll de la mode - c'est à dire qu'il crée délibérément des looks moches et importables en faisant croire que c'est le summum de la mode pour rabaisser les femmes et faire passer les fashion victims pour encore plus stupides qu'elles ne sont.
Enfin c'est ma théorie parano-complotiste du monde de la mode. Mais franchement, il y a de quoi se poser des questions. Le pire c'est de croire que cela représente la liberté et/ou la rébellion ! Je ne vois aucune liberté ou rébellion dans les looks de Gucci, juste une immense farce.
lorsqu on détaille chaque look on voit que c’est très travaillé et pas naturel. Mais l’idee est la. Cette fausse liberté peut conduire à une vraie liberté dans son look si chacun y met la folie et les mélanges qu’il veut sans contrainte sociale
Gucci, c'est Catherine Baba qui relooke les Deschiens, ou l'inverse... Et pourtant on adore. C'est toutes ces paillettes , les rubans et volants et les lunettes de star, on est éblouis . En Gucci on devient la rock star des licornes , on fait des " fuck " au bon goût , en envoyant des paillettes et des strass, la mode insultée en redemande tellement c'est joli ces paillettes au bout du majeur, c'est limite de la triche!
Ça rappelle presque les 1ers looks foux du streetstyle ( face hunter, the Sartorialist,...) ça mannnque cette folie!!!