Assise et poésie
S'asseoir : une action quotidienne, ordinaire et infiniment banale que certains designers ont cherché à sublimer en concevant des chaises/fauteuils où le pragmatisme le dispute à la fantaisie, à la poésie et à l'innovation…
Les contaminations douillettes de Charlotte Kingsnorth
Originaire du sud de Londres, cette jeune diplômée du Royal College of Art a décidé de redonner vie à des chaises promises à l'abandon en laissant son imagination les cannibaliser. Cela donne naissance dans la pratique à des structures désuètes partiellement recouvertes de rembourrage aux allures de matière organique aussi gourmande que confortable (voir ici, ici et là). Outre une certaine jouissance visuelle, ces pièces uniques réalisées à la main engendrent moult réflexions sur la matérialisation de l'imagination, la nécessaire présence de l'ancien pour créer le futur ainsi que sur notre capacité à laisser des bribes de fantaisie imprégner notre quotidien. Seul bémol : les matières utilisées pour les morphings textiles gagneraient à être plus brutes (ou plus nobles).
Le confort perché de Peter Opsvik
Concepteur de la fameuse chaise Tripp Trapp, le designer, musicien et artiste norvégien Peter Opsvik se consacre depuis les années 60 ans à l'étude des postures du corps et à la création de mobilier épousant ces dernières. On peut ainsi lire dans son ouvrage "Rethinking Sitting" : "Depuis l'âge de pierre, l'homme travaille assis dans différentes postures, or la typologie unique depuis le Moyen-âge est la chaise… Nous ne sommes pas faits pour rester figés dans la même position du matin au soir". Face à cette constatation, le designer préconise de "varier les postures". Il mettra ses réflexions en pratique via - entre autres - sa Garden Chair. Avec ses globes disposés de manière à supporter n'importe quelle posture (voir ici et là), cette incroyable arborescence repousse les limites du spatialement correct au profit d'un confort ultime…
Le wabi-sabi brésilien de Tati Freitas
Abîmées, démembrées, rongées par les outrages du temps, les chaises chinées par Tati Freitas ne pourraient tenir debout sans l'intervention plastique de cette dernière. Sur ces morceaux de meubles brisés, elle greffe en effet des éléments en acrylique translucide permettant une renaissance inattendue. La blessure de l'objet d'origine devient alors l'un des éléments fondateurs de sa future esthétique. Une démarche qui n'est pas sans rappeler l'artisanat japonais découlant de la philosophie wabi-sabi, qui consiste à sublimer les objets brisés, à percevoir la beauté dans l'usure et à concevoir l'acte de réparation comme un acte d'embellissement. En contemplant ces chaises laissant filtrer la lumière et dont l'équilibre ne semble tenir qu'à un souffle, on savoure l'idée que des notions aussi antagonistes qu'imperfection et ultra modernité puissent fusionner pour le meilleur.
Par Lise Huret, le 06 mars 2018
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