Ici, les photomontages se passent de commentaires : nul besoin d'être Suzy Menkes ou Cathy Horyn pour comprendre que Richard Quinn a dû visionner plus d'une fois les dernières collections Balenciaga avant d'imaginer le vestiaire qu'il présenta récemment à la Reine (voir ici), ou pour réaliser que la griffe new-yorkaise Vaquera a fâcheusement tendance à aller piocher ses idées dans les archives des designers japonais (voir ici et là).
En mettant en exergue l'existence de ces gémellités visuelles, le duo tend à démontrer que dans un univers où l'image est reine et où les sources se perdent rapidement au fil des "pins", les créateurs ont fini par être contaminés par un virus que l'on croyait réservé aux bureaux de style de la fast fashion, à savoir celui de la copie.
Et si la propagation de ce virus s'explique au moins en partie par le rythme infernal auxquels sont actuellement soumis les designers (contraints de fournir sans cesse de nouvelles idées pour nourrir les innombrables collections dont ils ont la charge, certains finissent par céder à la tentation d'aller piocher chez leurs concurrents directs, chez des jeunes créateurs encore inconnus ou au sein du patrimoine laissé par les grands couturiers), elle n'en est pas pour autant légitime. Or, avant que Diet Prada ne rentre en action, ce genre d'imposture stylistique n'était que très rarement relevé ou pointé du doigt. De temps en temps, une rédactrice de mode chuchotait à l'oreille de sa voisine que telle ou telle jupe lui évoquait un modèle Mugler de 1984, mais cela allait rarement au-delà. Si bien que la gent fashion se sentait si ce n'est autorisée, tout du moins tacitement encouragée à troquer régulièrement la fonction "créativité" de ses équipes contre de simples "copier-coller".
Une impunité qui se voit aujourd'hui considérablement remise en question par la pertinence - doublée d'une sérieuse culture mode - de ce compte Instagram que les professionnels de la mode suivent avec gourmandise. Il sera en effet peut-être désormais plus compliqué pour Virgil Abloh de "s'inspirer" de la coupe d'une veste McQueen ou pour Raf Simons de téléporter la création d'un autre au sein de ses collections, sachant qu'ils sont désormais observés à la loupe.
Reste à savoir si face à leur succès grandissant et à leur envie de faire évoluer leur business, Tony Liu et Lindsey Schuyler parviendront à conserver leur fraîcheur, leur indépendance et leur impertinence. Une question que l'on est en droit de se poser au vu du récent et très intelligent "coup" de Gucci qui, attaqué par Diet Prada, a su retourner la situation à son avantage en confiant au duo les "stories" de son compte Instagram à l'occasion de son show printemps/été 2018…
Par Lise Huret, le 02 avril 2018
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