Rat des villes ou rat des champs ?
Humer le parfum matinal des herbes baignées par la rosée, scruter un ciel étoilé dépourvu de pollution lumineuse, vivre au gré d'une bande-son mêlant le tumulte sonore des insectes, le braiment des ânes et le clapotis d'un ruisseau... Autant de choses qui me nourrissent et me comblent comme peu sont capables de le faire ici bas. Et pourtant... après trois semaines passées au sein de mon éden lozérien, je n'avais plus qu'une envie : retrouver le confort de ma vie citadine. Ressentir ce manque - alors que j'avais toujours entretenu l'idée que je vivais en ville davantage par nécessité que par choix - m'a forcée à être honnête avec moi-même : au quotidien, c'est bel et bien la ville que je préfère. Alors certes, cela heurte violemment le Huckleberry Finn qui sommeille en moi. Mais au moins, en avoir enfin conscience va me permettre d'apprécier pleinement ma vie en milieu urbain et d'arrêter de me dire : "Ah, si seulement je vivais à la campagne...".
Starbucks addiction
Depuis notre arrivée au Canada, aller commander mon "skinny latte" au Starbucks du coin fait partie de mes rituels favoris. Pénétrer dans cet antre du cosy standardisé, du sourire personnalisé et du café "upgradé" me fait en effet sentir urbaine, active, presque "cool"… Autrement dit, je fais partie des innombrables victimes consentantes de cette machiavélique machine consumériste ayant fait d'un simple gobelet de café un marqueur social, un passeport pour un shoot de corporatisme entre gens pressés, une drogue licite et labélisée.
Oui mais voilà, depuis quelques temps, je ne suis plus vraiment sûre d'avoir envie de participer à ce jeu de rôle où le simple fait de vous demander votre prénom semble légitimer le fait de vous faire payer des prix prohibitifs. De plus en plus, l'impact du mondialisme sur nos vies me pose question. Avons-nous envie de retrouver les mêmes boutiques à San Francisco, Shanghai ou Moscou ? Avons-nous envie de laisser des subterfuges marketing nous créer des besoins inutiles ? Sommes-nous vraiment faits pour consommer encore et toujours plus ? Bref, j'ai renoncé au Starbucks, ma cafetière fera très bien l'affaire…
Instagram : attirance/répulsion
Valeur cardinale d'Instagram, l'égocentrisme gangrène peu à peu notre réalité sans vraiment rencontrer de résistance. Et si cela m'horripile, cela ne m'empêche pas de contribuer à ce narcissisme délétère : en tant qu'utilisatrice de ce réseau social, si j'ai conscience de l'irrationalité du nombre de "refresh" que j'effectue quotidiennement au sein de l'appli, du risque de poster des moments choisis pouvant créer de la frustration chez les "followers", de la vacuité de l'acte de se photographier soi-même, de l'agacement stérile suscité par les instagrameuses trop zélées et de l'impact inquantifiable de ce flot d'images ininterrompues sur notre comportement psychique, je ne manque néanmoins pas d'excuses - nécessité d'effectuer une veille professionnelle sur le sujet, de conserver un lien avec la communauté de TDM et d'entretenir les relations avec mes amies en dépit des milliers de kilomètres qui nous séparent - pour ne pas quitter définitivement ce média qui a les défauts de la presse féminine, en pire. Pas de solution en vue…
Naturel et botox
Réfractaire au brushing, au fond de teint, au vernis à ongles, aux pédicures, aux détails girly et aux sacs à main, je fais partie de ces filles qui admirent la grâce des femmes "naturelles", qui ne fantasment pas sur les montagnes de produits de beauté que reçoivent les journalistes et qui ne se trouvent jamais plus jolies qu'après une séance de surf, les cheveux dégoulinant d'eau salée et le teint bruni par le soleil. Pour autant, je m'imagine très bien avoir un jour recours à la médecine esthétique, voire à la chirurgie. Est-ce contradictoire ? C'est ce que j'ai longtemps cru. Mais en y réfléchissant bien, ce qui me dérange dans le maquillage et autre artifices esthétiques est davantage lié à l'aspect "apprêté" qui en découle qu'au fait de modifier son apparence (ce qui ne me dérange pas tant que cela ne se voit pas). Du coup, l'idée de me faire faire des injections qui gommeraient subtilement telles ou telles rides m'apparaît moins contre-nature que de me mettre du vernis à ongles...
Mais aussi…
Être infiniment à l'aise avec les gens, mais angoisser avant chaque rendez-vous (à tel point que je suis parfois contrainte d'annuler). Work in progress : essayer d'identifier les raisons qui me mènent au bord de la panique, afin de mieux les combattre.
Aimer plus que tout ma famille, mais chérir le fait de vivre à l'étranger à des milliers de kilomètres d'eux.
Faire très attention 99% du temps à la composition des aliments que j'achète, mais être capable engloutir sans ciller un paquet de bonbons saturés en colorants, émulsifiants, sucres et gélatines en tous genres...
Travailler dans l'univers de la mode, mais détester faire du shopping.
Trouver beaux les corps de femmes "curvy", mais ne pas supporter de prendre un gramme.
Ressentir un amour sans limites pour mon fils, mais éprouver une joie indicible lorsqu'il s'en va à l'école.
Rêver d'être une aventurière de la trempe de Christian Clot, mais travailler derrière un ordinateur.
Par Lise Huret, le 10 septembre 2018
Suivez-nous sur , et
Aimer la ville et ressentir le bien être de la campagne ne fais pas de toi une personne versatile.
J'aime à penser que rien n'est définitif ...