Fashion week de Paris - Automne/hiver 2019-2020 (1ère partie)
Entre hommage à Betty Catroux, redondances féministes, compositions florales anversoises et inspirations 17e siècle, tour d'horizon de ce qu'il faut retenir de la dernière fashion week parisienne…
Saint Laurent
Cette saison, Anthony Vaccarello élargit son horizon en accompagnant ses jupes et robes lilliputiennes de manteaux et vestes à la carrure "Wall Street 80's" (voir ici et là). Et si cette digression vers une approche plus tailoring de l'univers Saint Laurent est bienvenue sur le papier, ses créations épaulées n'en apparaissent pas moins aussi déconnectées de la réalité que les micro jupes des filles Saint Laurent. Qui en effet ressent aujourd'hui le besoin d'arborer une carrure de footballeur américain pour se sentir forte ? Quelle est cette pensée passéiste consistant à dire que les femmes ont besoin d'emprunter aux hommes certains de leurs attributs pour affirmer leur détermination ? Alors certes, l'hommage à la silhouette de Betty Catroux est sympathique (et les carrures seront certainement rabotées afin de correspondre aux normes du prêt-à-porter), mais force est de constater qu'Anthony Vaccarello a du mal à trouver le curseur entre "over-sexyness" et clichés eighties (voire clichés tout court). Sans parler de cette impression d'irréalité quasi malsaine générée par la présence de modèles rachitiques - voir ici, ici, ici et là - faisant passer la minceur de leurs collègues pour un surpoids contrôlé.
Dior
En matière de mode, la logorrhée stylistique est rarement bon signe ; cela signifie généralement soit que le designer est incapable d'éditer ses idées, soit qu'il essaie de combler par la quantité un manque de qualité créative. Dans les deux cas, le résultat se matérialise sous la forme d'un défilé fleuve enchaînant les idées plus ou moins pertinentes, faisant se succéder des silhouettes prometteuses et d'autres plus discutables et juxtaposant les inspirations sans réellement essayer d'en tirer le meilleur. Or, c'est précisément ce que l'on ressent face au dernier défilé Dior. Il est vrai qu'entre clins d'oeil aux Teddy Girls, pièces sans grande valeur ajoutée, gimmick féministe marketing, choix maladroits de volumes ou de matières (voir ici, ici, ici et là), bob à voilette et variations autour des sublimes mais un brin redondants jupons chers à la créatrice (voir ici, ici et là), Maria Grazia Chiuri ne prend aucun risque. À part peut-être celui de nous ennuyer...
Dries Van Noten
Horticulteur passionné, Dries Van Noten cultive avec amour les nombreuses variétés de roses parsemant son jardin belge. Des fleurs qu'il met à l'honneur cette saison non pas dans leur magnificence, mais plutôt dans leur fragilité constituée de défauts et de flétrissures, l'idée étant de faire un parallèle entre l'imperfection de ses roses et celle de la nature humaine. Malheureusement, si le concept est enthousiasmant, sa réalisation ne l'est pas totalement.
Le parti pris naturaliste consistant à transformer des photographies en imprimés placés donne naissance à des graphismes qui, lorsqu'ils ne sont pas associés à des effets matières susceptibles de les dynamiser, manquent paradoxalement de modernité (voir ici, ici, ici et là).
Cela étant dit, si l'on fait abstraction de cette poignée de pièces où le commercial l'emporte sur la poésie, force est de reconnaître qu'entre l'aura masculin/féminin du style Van Noten (voir ici et là), l'audace adoucie de certains alliages de teintes (voir ici, ici et là), les lignes années 40, le mariage entre ample pull mousseux et jupe sophistiquée (voir ici et là) ainsi que le traitement Paul Poiret des longues doudounes (voir ici et là), Dries Van Noten reste un pourvoyeur d'intemporalité suave.
Loewe
Considéré par certains comme le fils spirituel de Phoebe Philo, J.W. Anderson fait flotter sur le vestiaire Loewe automne/hiver 2019-2020 des effluves 17e siècle qu'il conjugue dans un esprit artisanal baigné de sportswear. Une collection dotée de pièces fortes dont l'allure puissante ne manquera pas de séduire les trendsetteuses cérébrales avides de fantaisie. On pense notamment à cette cape dont la laine douillette attendrit la dégaine historique, à cette chemise aux épaulettes en popeline évoquant les éléments d'une armure, aux mailles grignotant des jupons (voir ici et là) ou encore aux manteaux aux cols arrondis asymétriques (voir ici). Sans parler du duo pull-over perlé/baggy (qui risque d'affoler aussi bien les acheteurs que les rédactrices de mode) ou encore des silhouettes renouvelant avec brio les mix classiques pardessus camel/pantalon bleu marine/baskets blanches et blazer bleu marine/chino kaki.
Niveau accessoires, si on laisse sans aucun regret le néo tricorne aux successeurs d'Anna Dello Russo, la version rayée camel/bleu schtroumpf du sac Puzzle ne manque quant à elle pas d'attrait.
Chloé
Du show Chloé, on retiendra avant tout les robes imaginées par Natacha Ramsay, dont l'ADN seventies remastérisé fait mouche. Souvent asymétriques et parfois brodées de discrets "C", ces modèles portefeuille aux manches tantôt bouffantes tantôt étroites exhalent en effet une féminité légèrement alambiquée non dénuée de charme.
En ce qui concerne les accessoires (point fort de la griffe), on regrette la présence sur la maroquinerie d'un "C" maladroitement oversize et on salue la nature hybride aviateur/papillon des lunettes de saison. Niveau souliers, on ne doute pas que les boots chaussettes se transformeront rapidement en best-seller au sein de la communauté fashion...
A noter également
Plissé, marbré et allure médiévale minimaliste font bon ménage chez Lemaire (voir ici).
Bruno Sialelli - le nouveau DA de Lanvin - cherche laborieusement sa voie (voir ici).
Léa Dickely et Hung La de Kwaidan Editions nous rappellent que le rouge coquelicot est le meilleur allié du marron (voir ici).
Olivier Theyskens franchit la frontière entre prêt-à-porter et costume de scène (voir ici).
Isabel Marant semble avoir éprouvé des difficultés à équilibrer le volume de certains de ses looks… (voir ici, ici, ici et là)
Chez Balmain, les laitues s'échappent de l'assiette des mannequins pour venir sublimer leur frêle carrure (voir ici).
Par Lise Huret, le 04 mars 2019
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