Si les professionnelles d'Instagram ont le chic pour réussir à nous livrer des clichés parfaitement calibrés, savant alliage entre harmonie esthétique, (fausse) spontanéité, émotions photogéniques et branding intimement intégré, qu'en est-il de leurs pensées au moment T de la prise de vue ? Sont-elles aussi lisses que leur image ? Ou un brin plus complexes ? Florilèges de réflexions - aussi inavouables que fictionnelles - ayant pu traverser l'esprit de ces illusionnistes de génie...
"Shoote, mais shoote, avant qu'il ruine mon make-up en me léchant le visage ! Aïe, ça y est, je me suis coincée une vertèbre. Argh, il vient de me lécher ! Faire comme si de rien n'était. J'entends pas les clics du reflex. Il shoote ou pas ? Je savais que j'aurais dû prendre un chien plus petit… Et maintenant, j'ai un doute sur le rendu de la jupe molletonnée..."
"Si j'ai bien compté, c'est le dernier. Enfin ! Note à moi-même : ne plus accepter de posts sponsorisés à rallonge ! Entre la responsable parisienne des partenariats décomptant avec une minutie de fourmi ouvrière mes #WorkingWithCHANEL, la difficulté de faire des photos sympas avec les produits de la griffe, sans parler du staff américain qui m'inonde d'e-mails anxiogènes dès 7h du matin (afin de savoir si oui ou non je compte poster aujourd'hui), j'ai bien cru que tout mon cachet - pourtant conséquent - allait passer en Xanax/vodka/séances de psy/bonbons CBD..."
"Malgré des années de pratique, mes posts "au naturel" sont toujours aussi chronophages : 40 minutes pour le glow lumineux, 30 pour les boucles souples, 5 pour l'hydratation du corps... Sans parler du fait que l'on en est maintenant à la 43e photo et que l'on ne parvient toujours pas à trouver le bon angle pour que mon ventre apparaisse joliment pointu et non vaguement rebondi, pour que ma main n'ait pas l'air de dissimuler sciemment ces fesses dont je ne supporte déjà plus le volume naissant et pour que l'intérieur de mon genou gauche soit un minimum photogénique... Zen ! Ressaisis-toi ! Business is business et ta seconde grossesse va donner un vrai coup de fouet à ton storytelling. Allez, 44e photo !"
"J'aurais dû sécuriser le col de ce blazer avec du scotch double face… Ça glisse ! Pourvu que le tout tienne en place, sans quoi je suis bonne pour une retouche "Instagram compatible", ou pire pour reshooter toute la série. Si seulement IG pouvait arrêter avec ses règles hypocrites, ça me faciliterait quand même grandement la vie. Non mais sérieusement, en quoi la paire de fesses de Mathilde Tantot est-elle plus politiquement correcte que ma paire de seins ?"
"Entre la version unisexe (et donc super inclusive) de la coiffure "Mary à tout prix", le moment d'intimité volé, ma pédicure arty, mes doigts de pied originaux, ma nudité suggérée, la finessse de mes chevilles et les pectoraux parfaitement dessinés de mon fiancé, je crois que je tiens quelque chose. J'envoie du rêve tout en exposant ma vulnérabilité… c'est au moins 20 000 likes assurés. Allez, je publie !"
"C'est devenu tellement simple de faire du business depuis que j'ai dépassé les 100000 abonnés... Les annonceurs sont si friands de visibilité qu'ils sont de moins en moins exigeants vis à vis de la créativité de mes posts. Un sourire forcé, un flacon de fond de teint près du visage et le tour est joué ! Et dire qu'avant je perdais un temps infini à essayer d'être originale..."
"Je n'aurais jamais dû visionner hier soir ce documentaire faisant l'inventaire des insectes vivant sur les pelouses. Coléoptères, thrips, vers gris… Argh, je sens un truc qui escalade mon mollet ! Limaces, escargots, chenilles… Il y a une bestiole coincée dans la bretelle de mon soutien-gorge, j'en suis certaine ! Ok respire, ne pose pas la tête par terre, fais fonctionner tes abdos… Chrysomèles, hannetons… Je rêve ou cette fucking fourmi s'apprête à me dévorer l'avant-bras ???".
"Mais quelle brillante idée j'ai eu de faire le shooting sans la farine ! Pas de poudre blanche qui macule les pyjamas, les mains, le plan de travail... Il ne me reste plus qu'à occulter - afin de réussir à afficher la mine réjouie de circonstances - le fait que mon mari soit rentré tard dans la nuit en empestant le parfum de son ex. Allez, on ouvre la bouche : Yeahhhhh, c'est génial ! J'ai envie d'avaler un tube de Prozac... Bon, après on passe aux photos des pancakes que j'ai congelé il y a deux semaines, puis je sortirai la carte "migraine" qui m'octroie au moins 3 heures de solitude cotonneuse sous ma couette..."
"Je pense que je mérite amplement le prix Nobel de la créativité instagramable : même en plein confinement, je suis capable de poster un look photogénique, d'y placer plusieurs produits sponsorisés, de diffuser des vibes fédératrices genre "vous n'êtes pas les seules à avoir adopté le molleton au long cours" (tiens il faudrait que je regarde si le hashtag @joggingforever existe déjà) et de nourrir subtilement mon image de fashion mum. Franchement, je ne comprends pas pourquoi Apple ne m'a pas encore demandé de tenir une master class lors de la fashion week parisienne..."
"Je me demande… si je portais des lunettes comme oncle Danny, si je pesais 3 fois plus que mon poids actuel, si j'avais les cheveux bruns et frisés comme la serveuse du Starbuck, si j'arrêtais de faire semblant d'aimer les smoothies verts, si j'étais moins jolie en photo et si je refusais que maman publie des images de moi sur les réseaux sociaux, est-ce qu'elle m'aimerait encore ?"
Je suis choquée par le dressing de Chiara Ferragni!
Millionnaire et ça a un dressing IKEA avec tous les trucs empilés les uns sur les autres, scandale!
Pour le reste, très bien vu, comme toujours.
Et bien joué, la dernière photo :-)
J'ai bien rigolé 😂😂😂😂 merci👍🏻 Chiara Ferragni franchement je pense que l'on frôle la vérité lol. J'avoue que j'aime souvent ces make up et même certains looks pour les plus softs donc je vais jeter un coup d'œil de temps en temps. Mais on est bien d'accord tout ces posts sonnent très faux et sont millimètrés et mis en scène à 100%. Mais bon c'est un métier maintenant !
Après une semaine de travail intense, je décompresse enfin en lisant ton post. Merci pour ce sourire du vendredi, et bravo pour le clin d'oeil final. C'est grave si je ne connais aucune de ces minettes ? (A part toi, bien sûr, que je ne range évidemment pas dans la catégorie des minettes).
Passe un excellent week-end.
Je ne connais que Chiara Ferragni dans le lot... Certaines de ces photos sont franchement bizarres (et Lise, no botox please).
Bref, un grand sourire devant mon ordi un jour de grande fatigue, MERCI!
Je trouve que ces postes qui rient des femmes sur Instagram manque cruellement de gout et de tac. J'aime plusieurs autres de vos publications dans lesquels vous etes capables d'une grande sensibilite envers votre propre experience mais lorsqu'il s'agit de ces instagrameuses, on tombe direct dans la moquerie. Je suis desolee de devoir vous dire que cela me decoit.
Chère Patricia, je ne cherchais pas à être méchante.
Ces posts Instagram sont publics, ils impactent d'une manière ou d'une autre notre univers. Je pense que nous avons le droit de jouer avec, de nous les approprier, de les désacraliser.
As-tu vu de qui je parle dans le dernier paragraphe ? Moi ;)
Etant plutôt sensible à ça moi aussi, je choisis de croire que ces influenceuses sont des businesswomen et sont totalement conscientes de l'artifice ou du côté drôle / ridicule de ce qu'elles font, d'ailleurs souvent ça ressort très bien de leurs posts. Et donc ce genre de billet, ce n'est pas forcément rire d'elles, mais avec elles.
Je trouve ça mieux que les gens qui sont en pâmoison devant leur importance et leur spontanéité, leur naturel, leur "realness"... ce qui occulte totalement le boulot qu'elles font et insulte leur intelligence. Alors, leur prêter un peu de recul dans leur professionnalisme, je ne vois pas trop le problème.
Je trouve aussi dommage qu'on a tendance à pointer le côté artificiel des photos, leur manque de naturel, alors que, si seulement c'était plus assumé ce serait tellement mieux: moins dangereux pour elles et pour nous, ça parasiterait moins leurs liens affectifs. Et puis, je préfère mille fois une Grace Jones saucissonnée en mille morceaux par Jean-Paul Goude, qu'une scène dont on prétend qu'elle est "naturelle", ce qui ne veut d'ailleurs rien dire.
En fait les instagrammeuses doivent faire seules tout le boulot d'une équipe de pub ou d'un shoot de mode, et que, sur toute la partie du boulot impliquant un talent esthétique, elles sont pointées du doigt et ridiculisées parce qu'elles le font. Et c'est la seule partie du boulot qui vaille quoique ce soit, sinon ça consiste juste à exhiber un mode de vie luxueux fictif pour inciter à la surconsommation.
Je suis d'accord. Mais en ce qui concerne la charge de travail conséquente cela ne vaut pas pour les Instagrammeuses les plus connues et les plus riches. Elles ne font rien seules et ont des équipes qui bossent pour elles.
Il ne s'agit pas de rire de toutes les femmes ou de n'importe quelles femmes, mais d'une certaine catégorie : les influenceuses assumées qui ont fait de la mise en scène de leur vie une profession et un gagne pain. C'est leur job, elles ont choisi de rendre publique leur image et de l'instrumentaliser pour gager leur croûte leur exposition n'est pas une conséquence d'un certain talent ou d'une vocation artistique (je pense musiciens, acteurs..) mais l'essence même de leur activité. Les critiquer avec un peu d'acidité est à mon avis absolument pas problématique.
D'autant plus que la plupart d'entre elles participent à la construction d'un fort consumérisme mâtiné d'une insatisfaction chronique (par comparaison, ce qui est un des moteurs d'une certaine consommation).
Bref tacle Chiara Ferragni, c'est de bonne guerre !
Je ne connais pas ces dames! Et je me dis que leur job doit être pas mal chiant, en fait. Tout comme vivre dans leur entourage.
Perso, j'ai envie de brûler mes copines quand elles prennent (plutôt prenaient) leur boisson en photo pendant nos apéros... Je hais ce moment de flottement où tout doit s'arrêter pour un cliché daubé dont personne ne se souviendra jamais.
Ici, le compte qui, selon moi, a le plus d'intérêt, et le seul que je sois allée consulter, c'est celui du derrière d'une certaine Mathilde. Aussi, je suis abonnée à celui de Lise, évidemment!
J'ai déjà des amies qui se sont plaintes parce qu'elles sont sorties avec une copine qui refusait de se poser dans un café ou un bar non-instagrammable et passaient la journée à tout shooter au lieu de vivre, ça doit être trop chiant.
J'ai un compte instagram, mais je ne m'en sers que parce qu'instagram empêche de parcourir les instagrams des autres si on n'en a pas. Mais je m'en sers pour regarder des instagrams d'artistes, y a certains auteurs de BD qui publient tous les jours (notamment Simon Hanselmann). Je regarde aussi pas mal les body positive pour trouver des gens à dessiner: on voit leur anatomie et leur grain de peau. Et y en a deux-trois que je regarde pour leurs fringues: j'adore le style de Virginia Calderon ou Haley Nahman, qui écrit aussi plutôt bien d'ailleurs.
Du coup j'en vois très peu du genre jeune maman grande, blonde, mince, riche, avec trois adorables têtes blondes, un labrador, et des torchons Chanel dans la cuisine. Juste sur TDM en fait.
c'est assez réjouissant de constater que la plume de Lise excelle autant dans la tendresse que dans l'acidité :)
Je ne fréquente quasiment jamais ce recoin d'Instagram, comme dit une lectrice plus haut "c'est un métier maintenant"... Je ne doute pas que quelques unes y trouvent leur compte dans l'émancipation (financière, au moins). Mais tout cela me laisse un goût étrange : on n'arrête pas de nous dire que nous sommes la génération la plus féministe-conscious mais en même temps quand je vois ces images j'ai l'impression qu'on est montées d'un cran dans l'aliénation.
Ouaip tout à fait. En plus la génération la plus feminist-conscious, c'est quasi toutes les générations, on nous le sort toutes les quelques années, y a des idées qui existent depuis des lustres qu'on réattribue à telle ou telle personne quelques années plus tard.
Je pense que là où instagram joue un rôle là-dedans, c'est que, en fait, c'est un discours qui sert à attribuer le féminisme, non pas à un mouvement militant politique et philosophique, mais à des entreprises, à la consommation, au capitalisme, et à une zone géographique précise: le monde anglophone, les US. Et sur instagram, on voit de la consommation présentée comme étant naturelle et sincère.
Et sur les réseaux sociaux en général, on avale tout plein de pilules qu'on n'avalerait pas autrement, on va suspendre quelques minutes notre esprit critique, un peu parce qu'il y a des gens en face et que les gens, c'est sympa et c'est intéressant. Alors ça passe exactement de la même manière que le complotisme: la première fois ce sera "regardons ce doux dingue, ce qu'il dit est d'une bizarrerie fascinante", puis on s'adapte à la bizarrerie. Donc Emily Ratajkowski est une féministe importante (d'autant plus croyable qu'elle est exactement aussi sincère et aussi artificielle que sa position le laisse supposer) et, du coup, le féminisme lui-même devient indigeste.
C'est aussi il me semble une des dérives de l'empowerement feminism, genre c'est son choix et comme c'est son choix on ne peut pas le critiquer parce que c'est une femme qui a choisi et qui ne ne soucie plus des conditions dans lesquelles les femmes font leurs choix, quels choix sont possibles et à quel "prix".
Parce que bon toutes ces nanas hyper sexys qui sont "empowered" et qui "own their body and sexuality", comme par hasard la façon dont elles exposent leur sexualité et leur féminité, leurs corps... comme par magie correspondent aux fantasmes masculin les plus classiques. Et ce n'est pas parce qu'on poste un selfie avec 4 micro poils sur les aisselles qu'on est forcément un parangon du féminisme (n'est-ce pas miss Ratajkowski) parce que des jeunes queers poilues, pas vraiment minces qui posent des photos body positive, un peu sexy et fun il y en a pas mal et on ne les voit pas beaucoup et elles se font littéralement insulter, doxxer, menacer.
Apparemment montrer ses cuisses poilues crée cher certains messieurs un syndrome aigu de couillesdecristallite.
Ah... une chose que j'aime ici, c'est l'intelligence des commentaires et la capacité que vous avez à mettre en mot des sujets qui m'interrogent et me chiffonnent...
En fait je ne suis pas allée voir les commentaires chez Emrata (je sais qu'elle a l'air d'en avoir bavé), j'ai l'impression qu'elle regrette un peu d'avoir misé autant sur son corps. Après, elle était quand-même vachement jeune quand elle est devenue star.
Mais je suis souvent assez frappée par le fait que les commentaires chez les instagrammeuses sont polarisés entre "t'es une déesse de la beauté et de l'amour", "tu sauves la gent féminine des stéréotypes" (parce que la gent féminine a toujours besoin d'être sauvée) et "sale pute moche horrible" etc. Et certains des commentaires viennent de messieurs, éventuellement, mais y a pas mal de femmes aussi. Je regarde souvent l'instagram d'Emily Bador, qui n'est même pas vraiment plus-size, elle fluctue pas mal et ne le cache pas et entre les "waouh t'es une déesse" et les "comment ça se fait que t'es mannequin, t'es aussi grosse que moi"... je ne sais pas comment elles tiennent, et j'imagine que leurs DMs c'est pire.
Après difficile de dire quels fantasmes sont vraiment masculins, hein, la théorie queer est un peu fautive, parce qu'elle a tendance à bien polariser les choses aussi, par exemple le texte Female Masculinities de Jack Halberstam prétend que Sigourney Weaver s'est rendue répugnante pour les hommes dans Alien (donc aucun adolescent hétéro ne s'est branlé sur Ms Weaver en culotte avec son chat, difficile à croire). Et on devrait croire qu'aucune lesbienne, bie, ou personne queer n'aime regarder Emily Ratajkowski alors que bon, on va pas s'en plaindre non plus, hein.
C'est juste cette présentation du capitalisme comme émancipation ultime des femmes, qu'on doit écouter, louer, considérer comme féministes... jusqu'à ce que ça ne soit plus le cas, et là elles sont damnées. Et surtout on ne peut pas les critiquer. On peut dire qu'elles sont intelligentes, mais jamais les critiquer. Et pour les queer c'est encore pire parce qu'on est vraiment sur un fil avec ce qu'on a le droit de dire et ne pas dire. Faut voir Contrapoints, elle en est à combien de "cancellations", déjà? Alors qu'elle n'a rien fait pour le mériter, c'est juste qu'elle met en scène un peu tous les points de vue dans ses vidéos.
Sur Instagram, on est tous plus ou moins ridicules... Bon certains et certaines plus que d'autres...
Et quand je dis "on" je me mets dans le lot... ;)
Le côté "influenceuse" a tendance à me crisper un peu...
J'aime beaucoup l'acidité pétillante de Lise , c'est behind the scene , comme un décryptage d'une publicité , puisque ces images sont publiées et souvent publicitaires et ce n'est pas plus méchant que cela.
J'aurais tendance à penser que les lectrices de TDM ne sont pas dupes de ces comptes Insta avec leurs mises en scènes .
Je me suis bien amusée, auto dérision comprise.
J'adore ! Tellement plein d'esprit !
J'ai 25 ans aujourd'hui et je commençais à visiter ton site web quand j'étais ado, je l'aime encore plus aujourd'hui.
Ton blog est un vent de fraîcheur parmi la foule de magazines et blogues plein de contenu sponsorisé, d'articles vapides et de conseils qui nuisent sérieusement à la santé mentale des femmes. Bravo et merci.
https://www.instagram.com/p/B-7bMYdlyts/
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Millionnaire et ça a un dressing IKEA avec tous les trucs empilés les uns sur les autres, scandale!
Pour le reste, très bien vu, comme toujours.
Et bien joué, la dernière photo :-)