C'est l'ouverture de la boutique Kitsuné - en mars dernier - au coeur de la nouvelle place forte hype parisienne (le 1er arrondissement) qui a mis un coup de projecteur sur cette marque hybride, officiant depuis 2002 entre le Japon et l'Europe. Car si nous sommes nombreuses et nombreux à ne découvrir Kitsuné qu'aujourd'hui, cela fait plus de 6 ans que le breton Gildas Loaec et le japonais Masaya Kuroki ont uni leurs univers afin de mettre sur un pied un label axé sur deux domaines : la musique et le vêtement.
Gildas Loaec s'occupe plus particulièrement de la recherche de nouveaux talents musicaux, son but étant de faire découvrir de nouveaux horizons aux accros des dance floors qui ont vite adopté les compilations du label pour danser jusqu'au bout de la nuit. On doit d'ailleurs à Kitsuné l'émergence de jeunes talents, tels que Hot chip ou Digitalism.
Quant à Masaya Kuroki, il est la tête pensante de la section style du label. Cependant, dans la pratique les deux hommes fonctionnent véritablement en duo, quand ce n'est pas en équipe avec leurs collaborateurs.
Ils déclarent eux-mêmes que tout est extrêmement lié, que si la musique a un temps porté leur prêt-à-porter, c'est désormais la vente de vêtements qui permet la production de leurs compilations. Kitsuné est donc pour eux une aventure pluridisciplinaire tout sauf compartimentée. D'ailleurs, leur tournée - en tant que DJ - des boites branchées internationales leur permet de démarcher les boutiques durant la journée afin de placer leurs produits textiles, tandis que dans la pochette de leurs CDs se trouve un mini-catalogue de la collection de la saison…
Le prêt-à-porter de Kistuné (qui pour la petite histoire signifie "renard" en japonais) est à l'antipode de la conception classique de la mode. Cette dernière passe et trépasse constamment, alors que Masaya Kuroki a pour ambition de créer des basics, des standards parfaits et indémodables qui finalement sont quasi absents du marché. L'essentiel pour cet architecte de formation est de retourner à l'essence du vêtement, loin des fioritures et des délires saisonniers des créateurs contraints et forcés de renouveler en 6 mois les garde-robes de leurs clientes…
Pour lui, l'essentiel est de trouver l'équilibre entre la tradition et le présent. En effet, selon ses observations, lorsque l'on recherche un cardigan ou un pantalon dit classiques, soit les produits sont figés dans le passé et sont taillés trop larges ou trop grands (à en devenir ringards) soit ils sont complètement absents des collections des grandes griffes. D'ailleurs, au terme "basic", Masaya préfère celui de "new classic". Ses créations sont des produits sobres, possédant les bonnes proportions, la bonne coupe et les bonnes matières, afin de lier allure et fonctionnalité.
Pour cela, il n'hésite pas à aller chercher le meilleur du meilleur aux quatre coins du monde : le cachemire vient d'Écosse, le coton d'Oxford, les jeans du Japon et chaque pièce est cousue main. Masaya Kuroki mise sur l'excellence et la pérennité de ses créations. Sa gamme de couleurs est ainsi discrète, à l'abri des tendances. Tout cela a évidemment un coût : comptez un peu moins de 100 euros pour un tee-shirt et environ 500 euros pour une veste.
Par ailleurs, chez Kitsuné, pas d'arrivage massif aux abords d'août pour la saison hiver : chez eux, les collections s'étoffent au fil du temps mais ne disparaissent pas. Ils ajoutent ainsi parfois une veste, un pantalon, mais le renouvellement complet du vestiaire serait un non-sens, le concept central de la griffe étant de proposer des vêtements qui durent. Le styliste travaille à son rythme, remettant son ouvrage sur la table autant de fois que nécessaire, afin de l'épurer au maximum et de trouver le point fort qui perdurera.
Grâce cette approche de la mode visant à la constance éclairée plus qu'au matraquage boulimique d'images et de vêtements, Kitsuné a séduit de nombreux créateurs en phase avec cette démarche créative, à contre-courant de la surproduction actuelle.
On peut ainsi citer pêle-mêle Pierre Hardy (qui leur a permis de distribuer l'un de ses modèles), Colette et APC (qui sont souvent leurs partenaires), Air (qui s'habille en Kitsuné), mais aussi Commuun, un jeune duo japonais mixant épure, environnement et design impeccable (a qui ils ont conçu une robe du soir et un smoking), ou encore la marque de lingerie Schiesser (qui va leur dessiner une mini collection).
Entre ses collaborations de qualité dans tous les domaines du lifestyle, ses compilations à la pointe de la scène electro, son emplacement ultra branché version "initié" (entre Margiela, Acne et Marc Jacobs) et ses vestiaires homme et femme conférant au terme "basic" ses lettres de noblesse, Kitsuné risque fort de devenir un mot courant de la langue française…
Par Lise Huret, le 13 juin 2008
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