En arrivant sur place, je remarque que les hôtes et hôtesses d'accueil sont habillés par Armor-Lux. Cette petite armée en caban et pull marinière ne manque pas d'allure…
Loin du fashion circus habituel, les rédactrices de mode cultivent ici des looks moins ostentatoires, plus pragmatiques et dotés d'une touche masculine des plus fédératrices (voir ici et là).
L'endroit dédié à la presse a des allures de havre de paix pour journalistes jet lagués. Entre salons où l'on sert gracieusement moult breuvages réconfortants et immense pièce studieuse permettant d'écrire au calme ses articles, force est de reconnaître que les Italiens font bien les choses. En effleurant les mailles de chez Knit Brary, en suivant du doigt la ligne parfaite de l'emmanchure d'une chemise De Bonne Facture, en caressant les cuirs végétaux de chez Bonastre, en admirant les détails des créations Natic et en rêvant devant les trenchs Hancock et les duffle-coats Barena, j'ai l'impression de redécouvrir ce que veux dire le mot "vêtement". Ici, pas d'effet de mode, ni d'illusion marketing : tout est dans le produit, dans son ADN, dans sa matière, dans les mains qui l'ont façonné. Ici, les vêtements ne finissent pas déformés et démodés au bout de quelques mois : ils ont pour mission d'être des compagnons au long cours, et cela se sent.
Les cotons et autres tissus japonais sont extraordinaires : je pense n'avoir jamais vu des matières aussi douces, denses et fraîches. Ce que l'on ressent lorsque l'on voit puis palpe une chemise A.B.C.L. Japan est du domaine de la révélation. C'est simple : on ne s'imagine plus porter autre chose…
A l'heure où la mode féminine à tendance à s'essouffler, son pendant masculin moyenne gamme/haut de gamme apparaît comme une véritable oasis de bon sens. Chez les meilleures maisons, il n'est en effet question que de savoir-faire transmis de génération en génération, de fabrication italienne, d'excellence des matières, d'allure british, de technicité nippone... Et si les prix sont élevés, ceux-ci n'en restent pas moins rationnels au regard de ceux pratiqués par les griffes de luxe. Tous les midis, j'ai la chance de déjeuner au restaurant du Pitti. On y mange la meilleure cuisine toscane dans une ambiance des plus chaleureuses. De nombreuses grandes tables rondes sont disposées dans plusieurs petites salles. Chacun s'assoit où il trouve de la place, puis va remplir son assiette au "self" situé dans la pièce principale et revient déguster son repas auprès d'inconnus qui se révèlent souvent être d'agréables compagnons de table. C'est ainsi que j'ai pu voir Suzy Menkes déguster en toute simplicité ses pâtes à côté d'un jeune journaliste freelance ; de mon côté, j'ai pu discuter avec un blogueur américain passionnant, saluer le talentueux Angelo Flaccavento ou encore rencontrer le rédacteur en chef d'Esquire Russie. Ajoutez à cela un stand de glaces italiennes servant des gelati à se damner et vous obtiendrez un lieu où il est difficile de ne pas s'éterniser.
Il est rafraîchissant de ne voir que peu de "it" pièces au sein des looks des élégants arpentant les allées du salon. Et si l'on remarque moult gimmicks stylistiques, on sent que l'enjeu se situe ici moins dans le nom de la griffe que dans la coupe, l'imprimé et la couleur. En matière de mix and match fédérateur et unisexe, je retiendrai tout particulièrement l'écharpe portée sous le blazer, le trio bonnet bleu marine/pardessus camel boutonné/écharpe bleu marine, la fine doudoune glissée sous un blazer en drap de laine épais et le duo sous-pull/sweat.
PS : Ceci est un aperçu partiel du Pitti Uomo : je n'ai pas eu le temps de tout voir et j'ai raté la plupart des shows et évènements car je ne pouvais m'absenter trop longtemps, Charles ayant choisi cette semaine pour nous refaire un bel épisode asthmatique. Il serait par ailleurs trop long de vous dresser une liste détaillée des marques que j'ai découvertes et aimées ; j'ai donc décidé de vous les présenter sous la forme de petits articles que je publierai au fil des semaines.
Par Lise Huret, le 15 janvier 2016
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