Chronique #76 : Escapade automnale

2526
À l'occasion du Thanksgiving canadien, nous sommes partis passer un week-end prolongé près du lac Huron, afin de profiter de ce fameux automne canadien dont la simple évocation a toujours suffi à me faire fantasmer...
Automne canadien

Samedi


10h : La route qui nous emmène au nord de la région de Toronto traverse d'immenses étendues multicolores, offrant un paysage saisissant correspondant parfaitement à l'idée que je me suis toujours faite de l'automne canadien. Alors que les kilomètres défilent, que les fermes abandonnées en bois gris se succèdent et que les feuillus aux teintes flamboyantes s'étendent à perte de vue, j'entrevois ce qu'immensité, solitude et magnificence sauvage peuvent vraiment signifier.
11h : Nous quittons la route goudronnée pour une piste crayeuse projetant des milliers de petits cailloux sur la carrosserie rutilante de notre voiture de location (oups...). Autour de nous, quelques petites maisons de bois, une poignée de voitures, puis plus rien.
11h15 : Devant l'absence totale de panneaux de direction, nous nous demandons comment nous allons trouver notre destination Airbnb : située au coeur de la forêt, celle-ci n'est pas indiquée sur notre GPS. Mais qu'importe : nous avons le temps, Charles dort à l'arrière et les clefs du chalet nous attendent bien sagement dans leur "lockbox".
11h25 : Nous abandonnons la piste pour une autre plus étroite, puis pour un chemin gadouilleux. À la vue du visage de Julien, j'éclate de rire : l'idée de dormir dans un endroit totalement isolé n'a pas l'air de le réjouir. Me moquer gentiment de ses peurs m'évite de penser aux miennes… Je rationalise alors tout haut : à part nous faire attaquer par un ours serial killer, je vois mal ce qui pourrait nous arriver.
11h30 : La vue de la maison nous fait vite oublier tout cela. Avec ses volumes rectangulaires, ses vitres omniprésentes et ses bûches de bois promettant de belles flambées, ce "chalet d'architecte" nous rassure autant qu'il nous éblouit.
13h30 : Après avoir posé nos valises et déjeuné rapidement, nous décidons d'aller jeter un oeil au lac Huron, situé à une trentaine de minutes de chez nous. Sur les berges de celui-ci, un froid mordant nous saisit, le vent nous bâillonne, si bien que nous nous perdons bientôt - sans nous en rendre vraiment compte - dans la contemplation des rives où immenses maisons de villégiature, forêts denses et frêles embarcations composent, sous les rares mais intenses rayons de soleil fendant les nuages sombres, un véritable paysage de roman. Intrépide (et surtout inconscient), Charles s'approche d'un peu trop près de l'eau déchaînée. Nous filons retrouver la douce chaleur de la voiture.
Chalet canadien
16h : De retour au chalet, Julien et Charles entreprennent de faire un feu au sein du foyer prévu à cet effet sur la terrasse située en contrebas. Je les observe de la cuisine. À cet instant, en regardant l'homme que j'aime depuis plus de 10 ans, son mini clone lui apportant consciencieusement du petit bois et le cadre fou leur servant de décor, je ressens une profonde gratitude.
23h50 : La première nuit dans une maison inconnue n'est jamais aisée. À plus forte raison lorsque celle-ci grince au moindre souffle de vent et que la moitié de ses murs sont en verre. Peu avant minuit, réveillés par je ne sais quel écureuil galopant sur le toit, nous nous mettons avec Julien à épier le moindre bruit, de plus en plus persuadés que nous ne sommes pas seuls dans la maison. Quelques minutes plus tard, alors au paroxysme de notre angoisse irrationnelle, une petite voix nous ramène à la réalité : "Maman regarde ! Beaucoup d'étoiles dans le ciel !". Assis sur son petit lit situé juste à côté du nôtre, Charles pointe du doigt la fenêtre. D'un coup, la pression retombe. Je sors du lit, prends Charles dans mes bras afin d'aller regarder le ciel qui se révèle effectivement d'une beauté sans nom. Je n'ai jamais vu une nuit aussi pure, où Voie lactée et étoiles composent la plus saisissante des oeuvres pointillistes.

Dimanche


7h : Levée tôt, je prépare des pancakes pour le petit déjeuner et assiste au réveil de la nature frigorifiée par une nuit de gel. L'odeur qui s'échappe de la poêle me vaut rapidement l'arrivée d'un petit bonhomme aux cheveux en bataille - note à moi-même : emmener Charles chez le coiffeur - qui me lance d'un air gourmand : "Des crêpes ? Week-end ?". Je le saisis, tournoie avec lui quelques secondes et lui murmure à l'oreille : "Oh oui, un grannnnd week-end !". Et lui de me dire : "Moi je veux week-end toute ma vie"...
Charles dans la forêt
10h : Nous filons vers le parc aquatique de la station de ski située à 20 minutes du chalet. Une fois sur place, nous déchantons : le "parc aquatique" se révèle en fait être une piscine glaciale datant au mieux des années 80 et dont le seul toboggan débouche sur la partie extérieure de la piscine (là où le thermomètre affiche 7°C). Se moquant totalement du froid, Charles m'emmène tester le toboggan. La situation est assez surréaliste, mais qu'importe : voir Charles éclater d'un petit rire congelé à chaque descente de "slide" me met de bonne humeur pour la journée.
15h : Nous décidons d'aller nous promener sur l'un des sentiers forestiers passant près du chalet. Alors que le tapis de feuilles atténue le bruit de nos pas, nous entendons soudain plusieurs gros craquements accompagnés d'une sorte de feulement. Nous nous arrêtons. Charles exprime tout haut ce que nous pensons tout bas : "C'est quoi ce bruit ?". À ce moment, nous réalisons avec Julien que nous ne sommes pas en train de nous promener en Bourgogne, mais bien au Canada, et qui dit Canada dit animaux sauvages potentiellement dangereux… Nous faisons rapidement demi-tour. Dans ma tête défile le nom des animaux que je crois susceptibles de vivre en Ontario : puma, lynx, ours noir… Je dis à Julien de prendre Charles dans ses bras et nous accélérons le pas. Soudain, le même bruit. Je suis pétrifiée sur place. S'extrayant d'un bosquet avoisinant, la bête sauvage apparaît alors à quelques mètres de nous. No comment...
21h : Après un bon chocolat chaud, une séance de "freeze dance" endiablée et une longue histoire, Charles somnole dans mes bras. Je réalise alors que ce week-end m'a fait plus de bien qu'une longue semaine de vacances, tant il m'a offert ce dont j'avais vraiment envie et non ce que je pensais avoir envie. Piocher dans une bibliothèque qui n'est pas la mienne, avoir l'impression d'être à l'extérieur tout en étant à l'intérieur, pouvoir compter les étoiles depuis mon lit, apprécier de savourer "pour moi" ces sublimes couleurs qui ne rendent pas aussi bien sur les photos prises par mon smartphone ou encore humer l'odeur du feu de bois sur le pull de Julien sont autant de petites choses m'ayant littéralement comblée. Sans parler du fait d'être situé à plus de 20 minutes en voiture de la moindre épicerie, ce qui oblige à recentrer sa consommation sur l'essentiel...
Par Lise Huret, le 14 octobre 2016
Suivez-nous sur , et
Pantalon large : tendances été 2024
->EN SAVOIR PLUS
3 tenues chics et tendances pour le printemps
->EN SAVOIR PLUS
Comment s'habiller pour un week-end à la mer ?
->EN SAVOIR PLUS
Robe courte : tendances printemps/été 2024
->EN SAVOIR PLUS
26 commentaires
Tous les commentaires
OliviaIl y a 7 ans
Quel beau weekend, et que c'est craquant le "je veux weekend toute ma vie!"
Nous aussi, nous allons louer une "cabin" dans les Appalaches pour le Thanksgiving américain mais contrairement à toi, je n'ai rien trouvé qui ressemble à un "chalet d'architecte". Le fou rire devant les coussins illustrés de têtes d'ours, vieux fauteuils à carreaux, rideaux de mémé. Enfin, la nature et l'isolement dans la montagne devraient compenser tout cela.
Et tu sais que ce n'est pas si facile de voir un dindon sauvage, il m'a fallu des années pour en voir aux US!
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Ce "toute ma vie" me fait totalement fondre. Il l'utilise lorsqu'il aime fort quelque chose. "Je veux manger du saumon toute ma vie", "je veux faire du vélo toute ma vie", "je veux rester avec papa toute ma vie"...

Ah ce dindon ! J'étais tellement soulagée de ne pas voir apparaître un puma que je n'ai pas vraiment pris le temps de savourer son apparition :/
RÉPONDRE
ladyjajaIl y a 7 ans
Votre reportage et vos photos donnent furieusement envie de partir en vacances dans le froid !
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
;)
RÉPONDRE
SamanthaMIl y a 7 ans
Magnifique article Lise...très émouvant =)
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Merci beaucoup !
RÉPONDRE
CarolineIl y a 7 ans
Sublime! A faire tous les week-ends, non?
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Ah si l'on pouvait !
RÉPONDRE
WilliamIl y a 7 ans
Les Huret à Huron... (ok, ce n'est pas drôle) ! ;)
On sent que tout ça t'as fait du bien et ça fait du bien également pour soi-même !
Le canada ce n'est pas la bourgogne mais je peux t'assurer que le jour où lors de l'une de mes ballades en bord de Saône, je me suis retrouvé nez à nez avec un renard... Moi le gamin de la campagne, je ne faisais pas le malin ! Il y a aussi eu la fois avec le ragondin et la fois où frissons garantis, une couleuvre (aussi petite qu'elle pouvait être), rampait non loin du chemin où je me trouvais...
En revanche quand je me suis trouvé à 15 mètres d'un faon sur une digue et que sa mère se trouvait dans le champs en face... magie de la nature !
William et trente millions d'amis... mais peu de chance que je trouve un dindon sur mon passage ! ;)
Tu parles beaucoup de ta famille, de la nature et tu fais le parallèle nourriture/essentiel... Mais je crois que l'essentiel se trouve aussi dans la famille et dans la nature...
Je lis "la sobriété heureuse" de Pierre Rabhi où il est question d'essentiel justement, ça me fait beaucoup réfléchir, moi qui en suis au stade où la simple possession de meubles me pèse, où les achats coups de coeur sont regrettés aussitôt à la maison tant je n'en ai pas besoin...
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
"La sobriété heureuse" de Pierre Rabhi... Un livre que nous devrions tous lire même si cela risque de chambouler totalement notre mode de vie/pensée ;)

Pour le dindon, qui sait ? ;)
RÉPONDRE
WilliamIl y a 7 ans
En même temps (et cela ne vient pas de moi), on est certes dans une crise économique mais aussi au bout d'un mouvement, d'une société qui ne tient plus... et que les choses sont en train de bouger...

Vive le dindon ! ;)
RÉPONDRE
matchingpoints Il y a 7 ans
Quel beau week-end loin du cliché de vacances actifs qui sont tendance. Se retrouver au calme, loin de tout et accompagné des êtres chers permet de se déconnecter. Quel contraste entre la grande ville dans laquelle vous habitez et la forêt canadienne !
Il faut dire aussi, que votre Airbnb était superbe et le temps était avec vous aussi, sous une pluie la vision aurait été moins idyllique !
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Nous avons un petit peu de pluie, au grand plaisir de Charles qui a pu aller sauter dans les flaques ;)
RÉPONDRE
miss agnesIl y a 7 ans
Tu me fais revivre certains de mes week-ends au Canada, surtout le premier. Partie seule en Mauricie, je me suis aventurée dans les bois et je me retrouve pétrifiée de peur au détour d'un chemin. Devant moi se dresse la silhouette d'un gros ours, panique totale lorsque je me rappelle que je suis tout près d'une réserve faunique réputée pour ses ours noirs. Scénario catastrophe dans ma tête: je vais me faire dévorer par un ours, mon corps ne sera jamais retrouvé, combien de temps mettra l'hôtel à réaliser que mon auto est toujours dans le parking, mes pauvres enfants grandiront sans leur mère, tout cela en quelques secondes bien sûr, jusqu'à ce que je réalise que mon "ours" n'est qu'un arbre un peu tordu. La nature sauvage a le don de réveiller des peurs ancestrales.
Allons bon, me voilà nostalgique du Canada pour la journée.
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Ah ah ah, je comprends à 100 % ce que tu as pu ressentir ;)
RÉPONDRE
Svs au LuxbgIl y a 7 ans
Chère Lise,

Vous aviez choisi la bonne destination pour partir ! Pour la " fin de semaine" de l'action de Grâce nous sommes allés dans les Laurentides, au Mont Tremblant (nous sommes installés depuis la rentrée à Montréal, bye bye Berlin...). L'automne, les arbres, les lacs, la température tout était magnifique.
Cependant nous étions loin, très loin d'être les seuls, et il ne nous a pas fallu longtemps avant de réaliser que cette "station" était très "jet set". Beaucoup d'américains et énormément de japonais, dans ce "Disneyland" de carton pâte. Ta longue "fin de semaine" fut bien plus ressourçante que la nôtre...

Très belle journée à toi et aux 2 hommes de ta vie
RÉPONDRE
MarilynIl y a 7 ans
J'ai eu la même impression de décor de cinéma, au mon Tremblant.... très artificiel.
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
J'avais très envie d' y aller mais ce que tu me décris me refroidit sérieusement :/

Heureuse à Montréal ?
RÉPONDRE
Svs au LuxbgIl y a 7 ans
Oui nous y avions déjà résidé il y a près de 15 ans, nous sommes ravis de pouvoir y revenir quelques temps.
Connais tu ?
Bel après midi à toi
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Non, mais c'est dans nos plans d'y faire prochainement un tour :)
RÉPONDRE
GenevièveIl y a 7 ans
Ce récit et tes descriptions, Lise, me laissent totalement rêveuse... Est-ce parce que je ressens toujours à te lire une certaine nostalgie à venir?
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Qui sait ? ;) :)
RÉPONDRE
AdèleIl y a 7 ans
J'adore! Ton week-end me transporte dans mes rêves les plus simples et les plus chers :-)
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
:)
RÉPONDRE
AliIl y a 7 ans
hahahaha la bête sauvage .... un beau dindon ! Tu m'as fait rire, je voyais déjà Julien protéger sa famille d'une bête feroce.
RÉPONDRE
Lise (TDM)Il y a 7 ans
Il était hyper soulagé de ne pas avoir eu à jouer les héros ;)
RÉPONDRE
Ajoutez votre commentaire
Code anti-spam : veuillez recopiez le code numérique ci-dessus
POSTER
Vous aimerez également
Chronique #187 : Les gens du surf
Il y a 10 mois - 22
EN SAVOIR PLUS
Chronique #184 : Accepter l'évidence
Il y a 1 an - 46
EN SAVOIR PLUS
Chronique #182 : Bribes de Grèce
Il y a 1 an - 17
EN SAVOIR PLUS
Instagram @tendancesdemode