3 silhouettes coup de coeur #8
À force de brasser des images, d'épingler à tout va, d'enchaîner les tendances et de scroller toujours plus vite, j'ai parfois l'impression de ne plus savoir ce que j'aime, ni pourquoi. J'ai donc décidé de faire régulièrement le point avec vous sur les silhouettes, les looks, les tenues qui, pour une raison ou pour une autre, me séduisent tout particulièrement...
Spontanéité eighties
Lundi dernier, je publiais dans la section Brèves de TDM l'image d'une jeune femme ayant sciemment glissé le bas de son pantalon de costume dans ses bottines. Le concept me semblait familier, mais impossible de savoir pourquoi. J'avais forcément dû relever ce gimmick sur un des défilés printemps/été 2020... Après quelques minutes de recherche, je mis le doigt sur une silhouette JW Anderson au pantalon resserré sur la cheville correspondant à l'esthétique de la photo. Mais mon esprit n'était pas satisfait et je continuais de penser que ce n'était pas cette image que j'avais inconsciemment reliée à celle dénichée sur le compte Modedamour. J'avais cependant beau chercher, je continuais de me heurter à un magma de souvenirs flous, indéchiffrables.
Je décidais alors de laisser reposer tout cela pendant la nuit. Le lendemain matin, entre une gorgée de latte et la recherche de la deuxième chaussette de Charles, mon cerveau se mit brusquement à hurler : "Marty !". Marty McFly et ses looks furieusement eighties qui m'avaient marquée adolescente par leur dimension ringarde et qui se révèlent aujourd'hui avoir vieilli comme un bon millésime...
En 4 clics, je dénichais la photo correspondant au souvenir désormais limpide de Marty jouant de la guitare électrique le pantalon de costume glissé dans les chaussettes. Pour être honnête, je ne sais pas si je me souviens du passage précis du film ou si cette image s'était glissée dans ma mémoire au fil de mes recherches sur Pinterest, mais le fait est que c'est à elle que je pensais. Et s'il s'avère moins pointu que la déclinaison tailoring d'Annemiek Kessels, le look de l'acteur canado-américain m'inspire beaucoup plus. J'aime en effet l'idée de traiter de manière désinvolte une pièce a priori sévère (ici le pantalon de costume) et de l'adapter à la situation via un dress code ne correspondant pas à son ADN. Le concept est d'ailleurs si jouissif qu'il se voit régulièrement exploité dans le stylisme des défilés…
ADN textile
Co-créatrice de la griffe Lemaire, la discrète Sarah-Linh Tran a fait des vêtements qu'elle porte son principal mode de communication. Pas d'interview intimiste donc pour la compagne de Christophe Lemaire, mais des tenues suggérant une douceur précise, laissant transparaître une féminité n'ayant besoin d'aucun artifice pour exister, exhalant une sérénité romantique et imposant une force tranquille via des coupes empruntées à l'univers du vêtement utilitaire. Respectant à la lettre une charte intime dictée par un besoin d'assurance et de poésie, les looks de Sarah-Linh Tran (et particulièrement celui-ci) génèrent ainsi une harmonie des plus photogéniques. Dans ce contexte où matières, coupes et teintes deviennent autant d'éléments permettant d'exprimer la nature de sa personnalité, les mots semblent superflus...
NB : Analyser cette photo m'a donné envie d'établir la liste des mots et adjectifs définissant mon caractère et mon idéal stylistique afin de voir si ceux-ci correspondent aux composantes de ma garde-robe (et d'essayer sinon d'y remédier).
Naturel photogénique
Faux plis inexistants, jambes nues dans un décor neigeux, bijoux ostentatoires sur tenue de trappeur, chaussures immaculées en dépit d'un sol écossais gorgé d'eau... En feuilletant les pages des magazines de mode, difficile d'accorder du crédit aux histoires qu'essaient de nous conter stylistes et photographes tant les micro détails susceptibles d'ancrer les tenues dans la réalité sont aux abonnés absents. Un décalage que je ne perçois absolument pas face à cette photo de Jane Birkin posant dans les années 80 pour un magazine français. Des baskets blanches salies par le quotidien à la raie imparfaite en passant par les manches roulottées asymétriquement et les épaisses chaussettes retroussées frileusement sur les chevilles, tout me semble familier. Une proximité qui, loin de ternir l'impact de la photo, la rend encore plus inspirante. Moralité : laisser le temps transformer ses vêtements en seconde peau et choisir ceux-ci en fonction de sa gestuelle plutôt que d'une énième tendance permet de donner naissance à des silhouettes bien plus fortes que n'importe quel agglomérat de pièces griffées shoppées lors du Black Friday...
PS : Plus prosaïquement, cette photo m'a convaincue d'offrir un sursis à mes baskets basses en y glissant de hautes chaussettes que je froncerai sur la malléole. Mais aussi de repartir en quête d'un sweat bleu délavé manches raglan au sein des friperies torontoises…
Par Lise Huret, le 27 novembre 2019
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Je rentre quasi toujours le bas de mes pantalons de "pyjama" (jogging en fait) dans mes chaussettes quand je suis à la maison et quand je vais au marché le dimanche... mais je ne dépasse jamais la frontière de mon quartier avec ce petit look hyper pointu!! ;)))