Chronique #140 : Escapade bostonienne
Lorsque je repense aux quelques jours que nous avons récemment passés en famille dans la capitale du Massachusetts, les souvenirs me reviennent par bribes. En voici quelques-uns...
Découvrir - pour le plus grand plaisir de notre fils - que la rue dans laquelle nous logeons se dénomme Charles Street. Un plaisir qui se verra décuplé au fil de la semaine : Charles River, Charles Station, Charles Hotel, The Charles Street Inn… "En fait, c'est un peu ma ville Boston !".S'enfoncer dans la moquette infiniment épaisse et moelleuse des couloirs de l'hôtel et avoir des complexes à marcher dessus avec nos baskets.
Tomber sous le charme victorien des lampadaires à gaz éclairant les rues en pentes du quartier de Beacon Hill.
Jubiler en voyant la nature reprendre ses droits : nombreux sont les trottoirs de briques qui se voient déformés par les racines des arbres.
Croquer dans un cookie offert par l'hôtel et constater que sa gratuité sublime le goût des pépites de chocolat.
Essayer d'expliquer intelligemment à Charles pourquoi certaines bouches d'égout fument dans les rues de Boston, puis rapidement dévier en lui fournissant des explications loufoques à base de dragons souterrains et de lutins fumant le calumet de la paix.
Se promener dans un cimetière où les dates gravées sur les stèles se situent entre 1700 et 1850. Prononcer les noms, calculer les âges, être saisi par la brièveté de l'existence. Inspirer, expirer, recommencer et savourer cet infini privilège...
Observer sans se lasser les escaliers de secours extérieurs (voir ici, ici et là). Tels des labyrinthes d'acier, ils cisaillent les façades et leur donnent un aspect industriel, photogénique.
Trouver l'arbre parfait pour y passer une après-midi à lire un roman de Joyce Maynard, ne pas être capable d'y grimper et pallier cette déception en y hissant Charles…
Se laisser charmer par l'arrondi des boîtes postales nord-américaines.
Plonger ma cuillère dans les différentes strates sucrées d'un immense ice-shake et la ressortir garnie de la parfaite bouchée "chantilly/coulis de chocolat/beurre de cacahuète/mix glace à la vanille/banane".
Chercher les films ayant été tournés à Harvard afin d'essayer d'insuffler un peu de magie à cet endroit qui ne se révèle pas "in situ" à la hauteur de nos fantasmes estudiantins.
S'attendrir en observant un écureuil joufflu grignoter studieusement une énième noisette.
Patiner en plein air avec les Bostoniens.
Écouter Charles nous raconter ses projets d'avenir à longueur de promenade, entre mariage, nombre d'enfants, noms de chiens, multiples métiers et lieux de vie. Fondre au restaurant en entendant Charles nous confier juste après que la serveuse ait pris notre commande : "J'ai envie de la marier… Je crois que je vais avoir un gros problème : j'ai envie de marier toutes les dames qui sont jolies et gentilles".
Croquer dans un croissant de la fameuse Tatte Bakery et être dramatiquement décue.
Passer une matinée au sein du musée pour enfants de Boston. Je ne comprends pas pourquoi ce genre de structure n'est pas présent dans chaque ville. Éducatif, ludique, varié et ultra bien pensé, cet espace offre l'occasion aux enfants d'expérimenter un millier de choses différentes.
Croquer dans une pizza validée par John Travolta et Matt Damon... enfin, si l'on en croit les photos accrochées au mur de la pizzéria Felcaro.
Croiser cette misère typique des grandes villes nord-américaines - entre folie, drogue, alcool et délabrement physique - et ne pas savoir quoi faire.
Chercher avec Charles des formes de personnages maléfiques dans les troncs noueux du parc de Boston Common.
Tomber en pâmoison devant une boîte de Lego "Friends" et me rendre compte que nous sommes bien peu de choses face au marketing…
Expérimenter la pluie bostonienne et regretter de ne pas avoir apporté bottes de pluie, K-way XXL, sac waterproof et maillot de bain...
Passer devant le MIT et penser non pas "antre du savoir" mais Fringe, Person of Interest, Iron Man et Will Hunting…
Prendre conscience des traces qu'a laissé l'incendie de Boston au sein de l'inconscient collectif en croisant bon nombre de "red fire alarm call boxes".
Croiser des familles avec deux, trois, voire quatre enfants, ce qui dans notre centre-ville torontois ne nous arrive quasiment jamais.
Observer avec tendresse Charles passer une bonne dizaine de minutes face à la planche du musée de la science expliquant le développement du foetus.
Épilogue
En ce qui me concerne, l'immersion au sein d'une grande ville américaine active une mémoire nourrie de fiction. L'environnement me semble ainsi à la fois étranger et familier. Et si hier lustre hollywoodien, histoires romanesques et intrigues policières nimbaient ce décor d'une aura hypnotisante, je ne vois plus aujourd'hui qu'un espace de vie à la saveur changeante, au charme inégal et au gigantisme souvent inhumain. Et force est de constater que cela ne me fait plus rêver...
Par Lise Huret, le 03 janvier 2020
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