Chronique #141 : Shopping express
Si je ne suis pas une shopping addict à l'appétit fashion incontrôlable, je ne suis pas non plus une consommatrice vertueuse qui réfléchit consciencieusement à ses futurs achats, se renseigne sur les conditions de fabrication de ces derniers et effectue deux ou trois essayages à différentes périodes de son cycle menstruel afin d'être certaine que le jean en question pourra gérer n'importe quelle variation lymphatique. Mon rapport à l'acte d'achat est en réalité assez flou...
J'ai beau avoir conscience que telle pièce permettrait de fluidifier mon quotidien vestimentaire, que mes Nike Air sont sur le point de rendre l'âme ou que l'avachissement avancé de mon sweatpant Roots pourrait être une cause légitime de divorce, je trouve toujours une bonne raison de remettre le problème à plus tard. Il faut dire qu'entre la sensation que tout est trop cher, la "non-envie " de me retrouver dans le miroir de la cabine d'essayage face à ce corps dont j'évite régulièrement le reflet, le sentiment d'être une petite fille gâtée allant s'offrir quelque chose de non vital alors que les sans-abri peuplent les rues de la ville et l'impression qu'il y a toujours quelque chose de plus important à acheter (poulet bio, couette d'hiver, nouveaux patins à glace pour Charles...), les excuses ne manquent pas.
Des excuses dont je pourrais néanmoins presque m'enorgueillir - à l'heure où le "shame of buying" se met peu à peu à faire école - s'il ne m'arrivait pas régulièrement de déraper. Je pense tout particulièrement aux fatidiques 48h précédant un voyage, qui voient mon cerveau se muer systématiquement en l'infâme Mr Hyde.
Soudain, l'acquisition d'un nouveau manteau devient cruciale et me voilà à écumer frénétiquement le web à la recherche de la perle rare. Une seconde plus tard, le renouvellement de mon slim se met à m'obséder (mais pourquoi diable COS Canada est-il si mal approvisionné ?), tandis qu'un regard sur mes vieilles baskets autrefois blanches suffit à me plonger dans une hystérie totale : "Non mais sérieux, pourquoi ne m'as-tu pas dit que ces baskets étaient bonnes à jeter à la poubelle ?!"...
Budget, homeless, patins à glace, réelle nécessité : tout est balayé, pulvérisé. Dans l'urgence d'aimer celle que je m'apprête à présenter au monde, de me sentir nette et d'arborer un "parfait" cocon que je pourrai immédiatement oublier une fois enfilé (ce qui me permettra de savourer pleinement mes vacances), je fais fi de toutes les petites voix annihilant d'ordinaire mes pulsions d'achat et je fonce.
C'est ainsi que le 26 décembre dernier, je me retrouve chez H&M à 7h du matin (que Dieu bénisse les horaires du Boxing Day) à scanner les portants bien rangés - le magasin venant tout juste d'ouvrir - du suédois. Maille trop loose, teintes trop diluées, matières cheap… je m'apprête à tourner les talons lorsqu'un drap de laine camel surcomprimé entre d'autres manteaux du même style me susurre de lui laisser une chance. Je me résous à aller le sauver de l'asphyxie et découvre que mon rescapé , entre manches raglan, ampleur bien calibrée, poches pragmatiques et dégaine finement rétro.
Dans la cabine d'essayage, l'évidence se confirme : il semble que j'ai enfin mis la main sur le manteau camel que mes sneakers immaculées appellent de leurs voeux depuis tant d'années. D'ailleurs, en parlant de baskets, la proximité d'une boutique Foot Locker me permet de renouveler en moins de 5 minutes.
Un quart d'heure plus tard, je suis de retour chez moi, légère comme une plume, l'estime de moi au beau fixe. Une sensation que je conserverai tout au long de notre séjour dans le Massachusetts…
Bilan
Depuis notre retour, j'ai beaucoup réfléchi à ma manière de consommer fashionnement parlant. Et si force est de constater que je n'achète quasiment que dans l'urgence, je n'achète pas pour autant n'importe quoi. Le timing réduit aiguise en effet mes sens et me permet de me focaliser sur les potentiels achats présents sur ma liste d'essentiels, qui en temps normal ne passent jamais l'étape de la concrétisation...
Par Lise Huret, le 10 janvier 2020
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