Fashion week de Paris - Automne/hiver 2020-2021 (1ère partie)
Entre redondances seventies assumées, métaphore des angoisses traversant actuellement la société, prédominance du noir et hommage à Erté, tour d'horizon de ce qu'il faut retenir de la dernière fashion week parisienne…
Givenchy
Au coeur des inspirations de saison de Clare Waight Keller, on retrouve l'esthétique des films de la Nouvelle Vague, le travail des photographes Ketty La Rocca et Helena Almeida ainsi que les silhouettes fifties signées Givenchy (voir ici, ici et là). Un mix dense qui donne naissance à une collection au tailoring assumé, aux partis pris graphiques forts et aux looks rétro revisités.
On note par ailleurs que si la femme Givenchy de l'hiver prochain se veut plus powerful que jamais, elle n'en cherche pas moins à arrondir les angles, comme le prouve la carrure adoucie de ses vestes et manteaux. Aussi chic et élégante soit-elle, elle refuse par ailleurs que ses vêtements rendent son quotidien inconfortable. A elle dès lors les longues robes de maille, les costumes légèrement amples, les longs gilets en laine réchauffant un pantalon de cuir ou encore les duos robe/pantalon.
Les + :
Les silhouettes rétro minimalistes et la sobriété des manteaux aux manches ballons (voir ici et là).
Les - :
L'illisibilité de certaines robes (voir ici et là), les color-block velus (voir ici et là), les gants longs façon gant de vaisselle, la maigreur de certains mannequins et les mini patchs frangés.
Stella McCartney
Cette saison, Stella McCartney puise les imprimés de sa collection au sein de l'oeuvre de l'illustrateur Erté (voir ici et là), exprime de manière quasi naïve son amour pour les animaux (voir ici et là), offre une alternative vegan friendly au cuir de vachette à toutes celles ayant rompu avec la consommation de viande et crée le premier manteau avec masque intégré anti-coronavirus.
Les + :
Le mix chocolat au lait/lilas et la fausse simplicité de cette robe monacale.
Les - :
Les déstructurations gratuites, les all-over de carreaux et les détails manquant de subtilité (voir ici et là).
Dries Van Noten
Il en va des collections Dries Van Noten comme des grands crus : leur qualité varie en fonction des années. Or cette saison la grammaire de l'Anversois ne parvient pas à faire mouche. D'ordinaire savoureux, ses télescopages chromatiques agressent (voir ici, ici et là), tandis que ses mix and match sonnent faux (voir ici, ici et là). Et si prises séparément les pièces de cet opus automnal ne manqueront probablement pas de panache, force est de constater qu'agencées sur une note grunge matinée de glamour 80's, elles ne parviennent pas à générer la délicieuse magie à laquelle Dries Van Noten nous avait jusqu'ici habitués.
Balenciaga
N'en déplaise à l'aristocratie fashion habituée à être placée au premier rang (voir ici), Demna Gvasalia rétrograda cette saison toutes les "front row girls" au troisième rang. Il faut dire que les deux premiers étaient inondés… Ajoutez à cette montée des eaux parisiennes un plafond LCD projetant des images lugubres et vous obtiendrez le décor le plus sinistre du moment, mais aussi et surtout le plus en phase avec l'atmosphère de ces derniers mois. Dans cette ambiance à la Barjavel défilèrent pas moins de 109 silhouettes dont le regard sinistre, les pommettes morphées et la démarche détrempée - mais néanmoins déterminée - achevèrent de faire de ce show Le moment fort de cette fashion week parisienne.
Cette petite communauté un brin morbide présenta une collection mêlant les codes Balenciaga (lignes précises, noir austère, volumes maîtrisés) à ceux de Demna Gvasalia (emprunts au sportswear, exagérations, sensualité sombre, fétichisme) et illustrant les composantes d'une "néo-société", entre membres d'un clergé à la Matrix (voir ici, ici et là), bourgeoises déchues (voir ici, ici et là), neurasthéniques résistant à l'angoisse quotidienne en revêtant des atours colorés (voir ici, ici et là), working girls futuristes (voir ici et là), coursiers tout terrain (voir ici et là) et party girls insomniaques (voir ici et là).
Les + :
Le manteau mutant capuche/écharpe, le twin set robe/cape, le volume affolant de cette tenue en vinyle rouge ainsi que les costumes étriqués.
Les - :
L'oversize caricatural, les cuissardes de pluie, les épaulettes chauve-souris et l'opportunisme de ce genre de partis pris scéniques lorsque l'on sait que l'industrie de la mode est l'une des plus polluantes.
Céline
Après avoir initié en mars dernier une véritable déferlante néo-bourgeoise sur le paysage fashion, Hedi Slimane continue de voguer sereinement sur les clichés qu'il a lui-même établis. Et si les composantes de ses silhouettes tantôt sixties tantôt seventies n'ont pas le charme de la nouveauté, elles n'en brillent pas moins souvent par leur portabilité désirable. Des pièces qui, si l'on y regarde bien, évitent la plupart du temps la citation 100% rétro via des coupes légèrement repensées, des matières audacieuses (voir ici et là) et des volumes liftés. On note au passage que le total look sera évidemment à prohiber.
Les + :
L'immense cape en tweed (voir ici et là), le trench en daim, le petit blouson en cuir 60's, le retour du logo Sulky, la majorité des sacs (voir ici et là).
Les - :
Le come-back du veston, les longues jupes droites, les looks singeant les décennies passées (voir ici et là), l'IMC des mannequins hommes.
À noter également
Kayne West invita le "fash pack" à son "Sunday Service" et assuma sa foi haute en couleur (voir ici).
Chez Lemaire, le pas si reconnaissable des mannequins céda la place à une douce déambulation (voir ici).
Avec sa taille 40, la mannequin Jill Kortleve injecta une heureuse touche de "normalité" au sein des collections (Chanel, McQueen, Valentino).
Les tapisseries de la manufacture des Gobelins d'où se déroula le défilé Lanvin parvinrent presque à voler la vedette au show (voir ici).
Les invités au défilé Stella McCartney se virent accueillir par des peluches géantes leur offrant des petits arbres à replanter.
Les soeurs Hadid participèrent toutes deux au défilé Miu Miu.
L'espace gonflable accueillant le show Kenzo avait tout d'une cellule de décontamination (voir ici).
John Galliano nous éclaira sur le processus créatif de sa dernière collection Margiela au sein d'un touchant podcast (voir ici).
Chanel ronronna et c'est bien dommage (voir ici).
Chez Miu Miu, Miuccia Prada nous donna envie de marier chocolat et rose dragée, mais aussi pêche et rose layette (voir ici et là).
À suivre : Saint Laurent, Dior, Valentino, Louis Vuitton, Loewe…
Par Lise Huret, le 06 mars 2020
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je trouve la collection Balenciaga de toute beauté ; l'esthétique globale du show fait un peu penser à McQueen de la grande époque, non ?
et cette tenue en vinyle rouge....waouh !!!