Instagram et le confinement
À l'heure où la mise en quarantaine d'une bonne partie de la population mondiale renforce la place des réseaux sociaux dans nos vies, il est intéressant d'observer le comportement des influenceurs et autres professionnels d'Instagram. Face à l'obligation de rester chez soi, ces derniers ont en effet développé de nouveaux comportements qu'ils documentent - comme toujours - de manière parfaitement photogénique...
Les néo-impudiques
Si - comme l'on pouvait s'y attendre - le confinement forcé est en train de mener doucement mais sûrement les mères de famille vers le burn-out, il est également à l'origine de phénomènes plus inattendus tels que de la disparition quasi totale de pudeur chez certaines influenceuses. Privées de plages, de bars branchés, de terrasses de café, de restaurants huppés et autres soirées mondaines où elles peuvent d'ordinaire faire valider leur apparence irréprochable dans le regard d'autrui, ces dernières surinvestissent ainsi désormais émotionnellement le nombre de likes validant leurs posts. L'attention virtuelle de leurs followers - avec qui elles ne se sont jamais senties aussi proches - les incite d'ailleurs à faire tomber les barrières vie privée/vie intime qu'elles s'étaient fixées à l'époque où sortir dans la rue ne nécessitait ni masque customisé, ni autorisation signée, ni préparation psychologique. Bouleversées par la présence quasi constante de ces spectateurs énamourés, elles les remercient en se dévoilant plus que jamais, à coups de clichés en lingerie (voir ici et là), de photographie dévoilant partiellement l'anatomie de leur compagnon (voir ici) et de prises de vue suggestives (voir ici, ici, ici et là). Leur générosité n'a plus de limites...
Les fashionistas masquées
À l'image des irréductibles Gaulois résistant encore et toujours à l'envahisseur, les modeuses jusqu'au-boutistes refusent de laisser le covid-19 transformer leurs looks en celui d'un acteur du film Contagion. Les circonstances leur imposent un nouvel accessoire n'étant issu ni du cerveau de Demna Gvasalia, ni de celui de Simon Jacquemus ? Qu'à cela ne tienne ! Elles feront de celui-ci un bijou à part entière au code esthétique rappelant ceux des mignardises shoppées chez Net-a-Porter. C'est ainsi que Jenny Walton détourne une pochette satinée ayant autrefois accueilli une paire de souliers Prada pour en faire un masque ayant le panache d'une robe Simone Rocha, que Leia Sfez passe maître dans l'art de la mutation sanitaire du bandana, que Pamela Tick travaille ses tenues de manière à mettre en valeur le bleu céruléen de son masque, que Gwyneth Paltrow insère au sein de son all-over carbone un masque de la même teinte et que Céline Perruche opte pour une version tartan dudit masque.
Le plus souvent artisanaux ou relativement basiques, ces masques risquent fort de se voir rapidement remplacer par leurs petits frères griffés que les Kering et autres LVMH ne manqueront pas de proposer à leurs fidèles clientes…
Les control freaks du capiton
Si certaines d'entres nous espéraient certainement passer la quarantaine allongées sur leur canapé à déguster des montagnes de guimauves noyées dans des litres de chocolat chaud ou à enchaîner sereinement confection de tarte aux pommes avec le petit dernier et dégustation familiale de lasagnes réconfortant l'âme, c'était cependant sans sur compter nos chères Instagrameuses qui, dès l'annonce du confinement prononcé, n'eurent qu'une obsession : ne pas perdre une once de fermeté. Une hantise qu'elles se sont empressées de transmettre à leurs followers…
Oubliés ainsi les rêves de farniente gourmand : Instagram est devenu en quelques jours le faire-valoir de celles et ceux ayant fait de leur corps un projet à part entière (voir ici, ici, ici, ici, ici et là), boostant les plus motivées (et surtout les plus disponibles) et achevant de ruiner le moral de celles n'ayant ni l'envie, ni le courage de sautiller dans un 50 mètres carrés entre le bouledogue français, les jumeaux de 14 mois, les appels des proches, les lessives, la confection des repas et les emails professionnels s'accumulant dans la boîte de réception…
Les cuisinières d'un jour
"Redécouvrir les plaisirs simples de la vie" faisant apparemment partie des dogmes en vigueur lors de cette période de confinement, cuisiner est logiquement redevenu une activité à la mode. À la portée de tous, humanisant leur auteur et susceptibles de fédérer gourmandes virtuelles, cuisinières en manque d'inspiration et autres accros au fitness désirant faire un break dans leur diète protéinée, les photographies de plats prêts à déguster jouxtent aujourd'hui sur Instagram selfies d'intérieur et photos souvenirs de vacances passées. C'est ainsi que Caroline Petit-Mason (fondatrice de Three Seven) remplit ses belles assiettes de mets délicieux, que Blanca Miro se lance dans la confection d'un appétissant cheesecake, qu'Alex Rivière réalise ses propres croissants, que Caroline Daur nous met l'eau à la bouche avec ses généreux cinnamon rolls, que Chiara Ferragni confectionne un tiramisu à la fraise et que Leandra Medine s'essaie au poisson pané maison. Reste désormais à comprendre pourquoi leurs réalisations culinaires semblent toujours plus appétissantes et réussies que les nôtres…
Mais aussi…
Celles et ceux désirant se prouver qu'ils n'ont rien perdu de leur connexion avec leur sphère mondaine/professionnelle via des lives en duo incessants (voir ici et là).
Celles ayant trouvé dans cette crise une nouvelle manière de faire du business en développant le concept de cours en ligne.
Celles assumant leur nouvelle fascination pour le papier toilette (voir ici et là).
Celles ayant étendu l'art du selfie à leur cercle familial (voir ici, ici, ici et là).
Celles ayant soudain redécouvert leur fibre créative et qui ont envie de le faire savoir à la terre entière (voir ici, ici, ici et là).
Celles trouvant dans les derniers hashtags en vogue une échappatoire à l'ennui (voir ici, ici, ici, ici et là).
Celles faisant du dress code cocooning un énième prétexte pour exposer leur plastique irréprochable (voir ici).
Celles qui assument vivre un moment aux allures de rêve éveillé (voir ici).
Celles qui ont trouvé en Joe Exotic une nouvelle icône de mode et le revendiquent (voir ici).
PS : Tout cela est bien évidemment incomplet et à prendre au second degré !
Par Lise Huret, le 20 avril 2020
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