Shoots de réconfort #1
Alors que les drames se succèdent et que le confinement est désormais acté, j'ai plus que jamais besoin d'ondes positives et de réconfort immédiat. D'où mon envie d'initier une rubrique "feel good" où j'évoquerai chaque semaine un souvenir, un livre, un film, une oeuvre, une musique ou encore un vêtement m'apportant un shoot de bonheur…
Un souvenir : un garçon au jean trop court
Le regard rieur, l'assurance tranquille et le jean un brin trop court, le jeune homme de 15 ans qui me fait face m'intrigue. Il faut dire qu'il ne correspond pas au type de garçons que je m'attendais à croiser en suivant ma meilleure amie au sein de ce rassemblement religieux : il n'est ni timoré, ni laid, ni exalté. Je l'observe, croise de temps à autre ses iris noisette, pique du nez dans un livre imaginaire, rougis. À la fin du week-end, je sais qu'il se prénomme Julien, qu'il est en seconde, qu'il habite Valenciennes et que j'ai envie d'en savoir plus à son sujet…
Un mois plus tard, je décide de continuer de suivre mon amie dans sa quête spirituelle en l'accompagnant à un camp de 6 jours dédié - entre autres - à l'étude de la Bible. Outre la perspective de passer une semaine à la campagne dans un ancien corps de ferme en compagnie de la complice de mes fous rires, la possibilité que Julien puisse potentiellement participer à cette retraite étire spontanément mes zygomatiques.
Samedi matin, 9h. L'incertitude prend fin : sur la pelouse clairsemée s'étendant devant cette bâtisse en briques rouges qui accueillera bientôt quinze adolescents aux profils très différents, je distingue sa silhouette presque trop grande. Je saute alors du G5 familial, envoie à peine un baiser à mon père et essaie d'avancer le plus nonchalamment possible vers celui qui semble guetter les arrivées. Mon arrivée ?
Les jours suivants - où se succéderont matinées d'échanges, dîners collectifs, corvées de vaisselle, longues promenades au travers des champs alentours et instants volés à la barbe de ceux qui nous croient en train de prier sagement dans nos boxes - le duo que je forme avec mon amie Mathilde se mue peu à peu en trio. Sans que l'on n'y prenne garde, Julien devient ainsi un membre à part entière de notre micro collectif où l'espièglerie, la désobéissance mesurée, la joie et le désir de liberté règnent en maître.
Oui mais voilà, si Mathilde voit en ce nouveau venu un ami (voire un grand frère), de mon côté les choses sont plus floues : entre main lâchée avec une seconde de retard à la fin du Notre Père, discussion en duo prolongée au coeur de la campagne de l'Artois et envie - apparemment partagée - de rester assis l'un près de l'autre alors que le reste du groupe file vers la table du goûter, je me prends à espérer que Julien perçoit en moi autre chose que la gamine effrontée agaçant chroniquement les adultes, la copine toujours prompte à prendre un chemin de traverse ou le garçon manqué fuyant sa féminité…
Le jour du départ finit par arriver. Alors que nos parents respectifs nous attendent en pianotant impatiemment sur le volant de leur voiture, je tergiverse, creuse un cratère du bout de mes Kickers dans les gravillons du chemin et finit par lancer à Julien : "On s'écrira ?" en lui tendant mon adresse griffonnée sur un feuillet de carnet de chants. L'expression que je lis alors sur son visage - entre légère surprise, douceur et bienveillance - me laisse entrevoir un avenir radieux.
9 ans plus tard, après moult péripéties, nous nous marierons...
Un vêtement : ma paire de mules fourrées
Je n'ai jamais été une femme à pantoufles : j'aime sentir le sol sous mes pieds nus. Pour autant, je suis peu à peu en train d'évoluer. Les dalles en pierre glacées de notre maison me font en effet enfiler de plus en plus souvent mes chaussons achetés - et peu portés - au Canada, au point de considérer désormais ces derniers comme les compagnons de prédilection de mon short en molleton gris. Ensemble, ils composent une tenue d'intérieur tellement cosy qu'il m'est de plus en plus difficile de la quitter lorsque je m'aventure à l'extérieur...
Je ne saurais dès lors trop conseiller à celles et ceux désirant s'offrir un cocon de douceur portatif d'investir dans une paire de mules aussi douillette qu'un nuage chauffant. Ou alors de se tricoter des chaussettes infiniment moelleuses susceptibles de venir réchauffer une paire d'Arizona ;)
Une oeuvre d'art : les carnets de Yal
Voyager au gré des aquarelles de Yann Lesacher me procure un plaisir bien plus intense que le feuilletage d'un ouvrage de l'agence Magnum. Là où une photo se contenterait de m'apporter une information factuelle, les paysages délavés, les scénettes et visages aux teintes diluées du dessinateur irradient en effet d'émotions multiples les rendant à mes yeux plus riches que n'importe quel cliché.
Entre l'urgence de croquer l'instant, le caractère inachevé de certaines pages (voir ici et là), l'écriture déliée des légendes, l'impression de retrouver la magie des illustrations de mes livres d'enfance, mais aussi la liberté de déterminer son format et son cadrage, tout me transporte dans l'oeuvre de ce Breton passé par l'école des Gobelins.
À l'heure où les agences de voyages mettent la clef sous la porte et où les réservations s'annulent en cascade, l'oeuvre de Yann Lesacher apparaît comme un moyen de transport idéal pour voguer vers des contrées temporairement inaccessibles...
Mais aussi…
Musique : Reality de Richard Sanderson
Film : Beignets de tomates vertes
Livre : "Ensemble c'est tout" d'Anna Gavalda, que j'ai dévoré lorsque j'étais jeune fille au pair. À lire à condition de ne pas avoir vu le film (qui à mes yeux ne rend pas justice au livre).
Par Lise Huret, le 30 octobre 2020
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