Chronique #165 : Confinement, Charles et rituels
La nouvelle est tombée hier matin : le Portugal ferme ses écoles. Si elle réjouit mon fils de 7 ans, cette annonce fit frissonner d'effroi mon épine dorsale, tant je suis réfractaire à l'idée de devoir gérer de front mon travail ET le sien. Et puis je me suis souvenue des rituels qui émaillent ma relation avec Charles et donnent une saveur particulière à notre quotidien. Je me suis alors dit que tout irait bien. Florilège de ces soupapes sanctuarisées…
Chaque soir, juste avant d'aller se coucher, Charles grimpe sur mon lit, s'entoure du plaid en fausse peau de mouton et attend patiemment que je finisse mes recherches sur l'ordinateur. Une attente généralement de courte durée, le moment de l'histoire du soir étant aussi sacré pour moi que pour lui. Emmitouflé contre moi, il ne bouge plus. Le voyage va commencer. Soudain, les mots s'élèvent dans la pièce. Des mots compliqués - nous avons décidé de lire tout Jules Verne - mais qui, portés par une intrigue palpitante (nous sommes actuellement en plein milieu de Deux Ans de vacances), le bercent tout en le fascinant. La première page s'achève, il se redresse : il sait que la deuxième page est pour lui. Entraîné par le flux de la première, il ne rechigne pas à lire ce texte qu'il ponctue de son accent anglais. Il est fier, tellement fier de me raconter lui aussi une histoire. La page se tourne, il souffle, sourit et se love dans la toison artificielle. Je reprends la lecture et ne tarde pas à entendre le souffle profond d'un petit garçon endormi.
Depuis la toute petite enfance de Charles (quand les trajets en voiture le faisaient hurler en continu), lorsque je m'installe sur le siège avant, je ne peux m'empêcher de tendre le bras à l'arrière pour lui prendre la main. Au fil des ans, ce cordon ombilical d'appoint est devenu un véritable vecteur de communication, les pressions de nos mains rythmant notre propre code Morse :
Pressions répétées : "Est-ce que papa va encore longtemps parler de Napoleon ?"
Pression longue ponctuée par un petit lâché : "Oui, malheureusement".
Rapide oscillation du poignet : "J'ai envie de faire pipi".
Une pression : "Message reçu".
Doigt essayant de dessiner une lettre sur ma paume : "Un Mac Do ?".
Immobilité totale : "Dans tes rêves"
Depuis que Charles est scolarisé, je prépare chaque matin sa "lunch box" (ici comme au Canada, il n'y a pas de cantine dans son école). Lorsque vient l'heure du déjeuner, Charles ouvre ainsi sa boîte isotherme souple pour y trouver son repas et... un dessin. Il s'agit le plus souvent de quelques traits faisant référence à un événement récent le concernant, le tout saupoudré d'humour (voir ici). Il m'est arrivé une fois de l'oublier, ce qui déclencha un mini drame lacrymal à l'école. Depuis, c'est la première chose que je fais lorsque j'arrive dans la cuisine le matin…
"Et tu vois, à la fin…" - "Je touche !". Chaque fois qu'au cours d'une conversation Charles ou moi identifions un mot ou une phrase pouvant coller à la tirade du nez de Cyrano de Bergerac, nous dégainons la suite. Appris à 14 ans pour moi et à 5 ans et demi pour lui, ces vers truculents font notre bonheur et nous éprouvons un plaisir gourmand à les déclamer dans n'importe quelle situation.
A force de vivre avec nous, Charles a parfaitement identifié nos faiblesses ainsi que les stimulus auxquels nous répondons. Dans mon cas, il sait pertinemment que s'il me lance un défi en disant les 4 mots magiques "T'es pas cap !", je me sentirai obligée de le relever.
"T'es pas cap d'aller dire bonjour au vieux monsieur en face" : Fait !
"T'es pas cap de prendre cet escargot dans tes mains" : Beurk, mais fait !
"T'es pas cap de me faire 50 bisous " : Fait !
"T'es pas cap de ne pas mettre de chaussettes dans tes baskets" : Fait !
"T'es pas cap de sauter dans la piscine (quand il fait 8 degrés à l'extérieur)" : Fait !
S'il déclenche régulièrement des crises de fous rires familiaux mémorables, ce running gag m'a aussi permis de constater que mon fils est bien moins cruel que moi à son âge. Dans la même situation, j'aurais sans doute tenté de faire avaler un pot de moutarde à ma mère, de faire danser en petite culotte ma soeur dans la rue et de convaincre mon père de repeindre le J5 en jaune vif...
Lorsque l'ennui pointe son nez gris et que la météo nous interdit d'aller nous promener, il n'est pas rare que Charles vienne esquisser un petit "take off" devant moi. Je dégaine alors mon portable : c'est le moment de prendre notre shoot d'adrénaline en regardant les Kai Lenny et consorts dévaler des vagues monstrueuses. Tels des junkies, nous enchaînons les vidéos où les lois naturelles se voient défiées par une poignée de kamikazes. Pendant 10/15 minutes, notre rythme cardiaque connaît les mêmes ratés. Nous sortons de ces visionnages épuisés mais complices. Bon, on se fait une réussite ?
Mais aussi…
Tous les 3 mois environ, Charles me réclame la "tondeuse maléfique". Cela signifie que ses cheveux commencent à être trop longs à son goût, mais aussi et surtout qu'il a bien envie de se regarder se métamorphoser successivement en chef Pawnee (Danse avec les loups), en petit reporter belge (Tintin), puis en moine bouddhiste (celui de l'appli Petit Bambou)...
Chez nous, mardi soir rime avec soirée cinéma : nous choisissons avec Julien un film que nous avons aimé enfant ou que nous avons envie de découvrir ensemble (derniers en date : "Le jouet", "Les compères" et "L'homme de Rio") et nous le savourons en dégustant une pizza maison.
Tous les matins, sur le pas de la porte (juste avant que Charles ne saute dans la voiture), nous confions notre journée à Dieu.
Lorsqu'à 11 mois Charles entendit pour la première fois "The Final Countdown", il nous gratifia instantanément d'une danse mythique. Depuis, il nous suffit de lui faire écouter cette musique pour le mettre de bonne humeur. Et on ne s'en prive pas...
Chaque samedi matin, je verse du chocolat chaud dans un thermos et nous partons avec Charles rejoindre un point de vue imprenable sur l'océan. Après environ 20 minutes de marche, face aux vagues grondantes, le premier petit déjeuner du week-end nous galvanise.
Par Lise Huret, le 22 janvier 2021
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On a quelques manies en commun ! Nous c'est le Cid que l'on récite ensemble !
Cela nous fait toujours rire d'entendre Alice dire sur tous les tons : Ô rage Ô désespoir Ô vieillesse ennemie 🤣
Et puis, pour rigoler, j'ai chanté Lara Fabian et mtnt, elle veut que je lui apprenne toutes les chansons trop bien 😅😅 " de mon époque "...
Courage avec le confinement ! Passez de bons moments ensemble